Les jeunes qui n’ont pas voté lors du référendum sont les premières victimes du Brexit

Publié le 2 avril 2019

Moyra possède un passeport britannique, mais est Écossaise. Que va-t-il se passer pour elle qui vit à Bruxelles avec le Brexit ? Elle répond aux globe-reporters Noémie, Élodie, Hannah, Jeanne et Marine du lycée Pierre BOURDAN à Guéret.

Jeunesses

Le résultat du référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne de juin 2016 a surpris beaucoup d’Européens, britanniques ou pas. Mais la manière dont la classe politique britannique gère la situation alors que la date fatidique approche est encore plus surprenante, voire consternante. Une situation qui plonge dans l’incertitude les millions d’Européens qui vivent au Royaume-Uni, mais aussi les Britanniques qui vivent en Europe.

Moyra est Écossaise. Elle travaille et habite à Bruxelles depuis le début des années 1980. C’est en lançant un message sur un réseau social de voisinage que notre envoyé spécial à Bruxelles entre en contact avec elle. Alain Devalpo souhaite illustrer le débat politique par ses implications dans la vie quotidienne. Moyra va-t-elle se retrouver au chômage dans les prochaines semaines ? Va-t-elle pouvoir aller rendre visite à sa mère sans difficulté comme elle le fait depuis des années ? Voilà quelques questions que Lisse se posent. Mais c’est surtout aux jeunes et aux conséquences liées au Brexit que Moyra pense. À toutes celles et tous ceux qui se sont abstenus lors du référendum, car pour eux être Européen coulait de source. Dans quelques jours, seront-ils seulement Anglais et plus Européens ?

Précisons qu’à la date où se déroule l’interview, le débat fait rage et Moyra demande à ce que son anonymat soit préservé. Moyra est donc un nom d’emprunt. Mais pas ses propos qu’elle n’est sans doute pas la seule à partager.

Avez-vous pris part au vote sur le Brexit et quelle a été votre réaction après l’annonce du résultat ?

Je n’ai pas pu voter. Il fallait résider en Grande-Bretagne pour participer. À l’annonce du résultat, j’ai été très triste et choquée. Très surprise comme beaucoup de monde. Un peu comme l’élection de TRUMP aux États-Unis. Je ne suis pas du même bord politique que David CAMERON qui s’était engagé à organiser le référendum, mais j’étais d’accord avec sa décision. Mais, comme lui, je n’ai jamais pensé que le résultat serait le Brexit.

Pourquoi une majorité de Britanniques a souhaité quitter l’UE ?

Ce sont surtout les Anglais qui ont voté pour le Brexit. Les Gallois et les Écossais souhaitaient en majorité rester dans l’Europe. À l’époque, beaucoup de fake news circulaient, avec notamment cette histoire qu’avec l’argent donné à l’Europe, on pouvait financer le système de santé publique qui connaît beaucoup de problèmes. Beaucoup de personnes y ont cru. L’autre question importante concernait l’immigration. Or ce qui est surprenant, c’est que certaines régions qui ont voté la sortie de l’Europe ont besoin des étrangers pour cueillir les fruits ou pour d’autres travaux. Il faut bien comprendre que les quatre pays qui forment le Royaume-Uni sont très différents.

Alors que le Brexit est possible dans quelques jours, quel est votre sentiment ?

Je suis très triste et j’ai presque honte de mon pays. D’accord, il y a eu le vote même si le résultat a été très serré. Il n’y a pas eu 70% de gens en faveur du Brexit. A peine 52%. Mais je me suis dit d’accord, il faut accepter ce résultat. Je pensais qu’ensuite, le gouvernement allait négocier un accord qui soit bon pour les Britanniques et les Européens. Or c’est une catastrophe. J’ai beaucoup appris sur le système parlementaire. Je suis tout cela de très près.

Quelles seraient les conséquences concrètes pour vous qui vivez à Bruxelles ?

Je ne suis pas certaine de pouvoir garder mon travail. Dans quelques semaines, je serai peut-être au chômage. C’est très triste parce que j’aime beaucoup mon travail. Peut-être que je devrais demander un visa pour vivre en Belgique ? On a très peu d’informations sur tout cela. Pour le moment, j’essaie d’obtenir la nationalité belge. Je peux avoir la double nationalité, mais ce n’est pas facile et ce n’est pas gagné.

Il y a beaucoup d’incertitudes, même pour voyager par exemple. Je rentre voir ma mère qui est âgée pour Pâques et je ne sais pas comment cela va se passer. Est-ce que la ligne de l’Eurostar sera encore ouverte ? J’ai des collègues britanniques qui ont beaucoup voyagé ces derniers mois en pensant que ce serait plus difficile après. Je pense que c’est un peu exagéré, mais on ne sait pas ce qui va se passer.

Question bonus : Au sein de la communauté britannique de Bruxelles, est-ce que tout le monde est inquiet ?

On ne parle que de cela. Avec certaines personnes, j’évite le débat, car le ton peut monter rapidement. Certains pensent que ce n’est pas bien de changer de nationalité pour rester Européenne, pour rester en Belgique. Ce serait plus facile pour moi. J’aime bien aller en Grande-Bretagne de temps en temps, mais je n’ai jamais pensé y retourner pour y vivre. Je suis bien en Belgique et je suis Européenne.

Selon vous, quelles seront les conséquences du Brexit pour ceux qui vivent en Angleterre ?

C’est une question très difficile. Certains disent qu’il n’y aura plus de médicaments, que les prix vont augmenter. En fait, ceux qui veulent partir disent que tout va bien se passer et ceux qui veulent rester disent le contraire. Difficile d’avoir une idée précise de ce qui va vraiment se passer.

Par exemple, les Britanniques aiment bien boire du vin. Le prix va forcément augmenter. Pareil pour les fruits et légumes. Nous ne produisons pas de tout. Et il y a beaucoup d’Européens qui travaillent en Grande-Bretagne dans les hôpitaux ou les maisons de retraite, par exemple. Est-ce que ces gens vont partir ? Il va donc y avoir forcément des problèmes.

C’est très difficile d’imaginer que la situation que nous vivons depuis des décennies va s’arrêter du jour au lendemain.

Beaucoup de jeunes n’ont pas voté lors du référendum. Cela ne les intéressait pas, mais ce sont eux qui vont subir les conséquences du Brexit. Les personnes âgées ont leur vie derrière elles. Par exemple, le programme Erasmus est tellement intéressant pour les jeunes. Cette possibilité d’aller étudier en Allemagne, en France. Cela s’arrête. C’est vraiment dommage.

Le Brexit ne va-t-il pas fragiliser l’UE ?

Oui et non. Si un pays ne veut pas intégrer l’Union européenne… La Grande-Bretagne a refusé l’Euro, a toujours eu un statut très particulier. Or c’est mieux d’avoir des membres qui croient vraiment dans le projet. Mais cela peut aussi donner l’exemple qu’il est possible quitter l’Union à un pays comme l’Italie, par exemple. Si le Brexit se produit et que cela se passe bien, cela peut devenir problématique pour l’Europe.

Question bonus : Vous êtes Écossaise. Si le Brexit se réalise pensez-vous que l’Écosse va demander son indépendance pour réintégrer l’Union européenne ?

On en parle beaucoup. Il y a eu un référendum à ce sujet en Écosse en 2014 et le résultat a été très serré. Aujourd’hui, il y a beaucoup de jeunes qui veulent l’indépendance. L’économique écossaise marche bien. On n’est pas contre les Anglais, mais on est très différents. On se sent très Européens. On est curieux, on est accueillants et on aime bien l’Europe.

Quel est votre sentiment face au fait qu’il est possible que nous ne votiez pas aux élections du 26 mai ?

Je ne voterai pas. C’est bizarre, car j’ai déjà reçu le matériel électoral. J’ai les lettres dans ma chambre. En Belgique, je vote pour les élections régionales, mais je pense que cela ne sera plus possible. Je ne peux plus voter ici, ni en Grande-Bretagne.

Question bonus : Avez-vous un message pour les globe-reporters ?

Je pense que c’est très important de voter et de bien réfléchir à ce que vous voulez. À ce que vous voulez pour vous, mais aussi pour la France. Il faut prendre cela au sérieux. Je pense surtout aux jeunes. J’ai une petite nièce. Elle ne fera jamais Erasmus. Va-t-elle apprendre le français ? J’ai peur que les Anglais se replient sur eux, que cela devienne un petit pays replié sur lui-même.

Reportage réalisé en avril 2019

Sources photographiques

À Bruxelles, notre envoyé spécial est logé dans un appartement avec un magnifique panorama. En se tournant vers le sud, on observe le clocher l’Altitude 100, le point le plus élevé de la ville.
À Bruxelles, notre envoyé spécial est logé dans un appartement avec un magnifique panorama. En se tournant vers le sud, on observe le clocher l’Altitude 100, le point le plus élevé de la ville.
Vers l’ouest, la gare du Midi où arrivent notamment les trains Thalys en provenance de Paris ou les Eurostars qui arrivent de Londres.
Vers l’ouest, la gare du Midi où arrivent notamment les trains Thalys en provenance de Paris ou les Eurostars qui arrivent de Londres.
Le logement surplombe également la prison de Saint-Gilles.
Le logement surplombe également la prison de Saint-Gilles.
À Bruxelles, notre envoyé spécial est logé dans un appartement avec un magnifique panorama. En se tournant vers le sud, on observe le clocher l’Altitude 100, le point le plus élevé de la ville.
Vers l’ouest, la gare du Midi où arrivent notamment les trains Thalys en provenance de Paris ou les Eurostars qui arrivent de Londres.
Le logement surplombe également la prison de Saint-Gilles.

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