L’indépendance de la justice roumaine est en danger !
Publié le 15 mars 2019
Laura ANDREI est juge à la cour d’appel de Bucarest. Elle répond aux questions des globe-reporters Romane, Annia et Mélissa, en seconde au lycée Einstein, à Sainte-Geneviève-des-Bois.
Droits humains et solidarité
C’est la journaliste Marianne RIGAUX, la première envoyée spéciale des globe-reporters en Roumanie en 2015, qui donne à Élodie AUFFRAY le contact de Laura ANDREI. Mme ANDREI est juge, spécialiste des violences conjugales. Magistrate depuis 25 ans, elle a été présidente du tribunal de grande instance de Bucarest et elle est maintenant juge à la cour d’appel de Bucarest.
Laura ANDREI est magistrate depuis 25 ans
L’envoyée spéciale la contacte au tout début de sa mission en Roumanie, mais Madame la juge a un agenda très chargé et l’interview est calée en fin du séjour : c’est même la toute dernière ! La rencontre ne peut se réaliser à la cour d’appel. Elle se déroule donc dans un café.
La justice traverse une période délicate en Roumanie. Beaucoup de magistrats et l’Union européenne s’inquiètent des réformes engagées par le gouvernement. Certains textes de loi portent atteinte à l’indépendance de la justice et remettent en cause l’État de droit. Le gouvernement est accusé de vouloir mettre l’appareil judiciaire au pas, et notamment la Direction nationale anticorruption qui a poursuivi de nombreux hommes politiques. De nombreux magistrats, soutenus par des citoyens, mobilisent pour manifester, juste après le départ de l’envoyée spéciale.
Ancienne présidente du tribunal de grande instance de Bucarest, elle travaille maintenant à la cour d’appel de Bucarest
Pour compléter l’interview de Laura ANDREI, voici le témoignage de Cristi DANILET, recueilli par téléphone. Ce juge de Cluj est vent debout contre les réformes.
« En 2004, trois ans avant que la Roumanie n’entre dans l’Union européenne, le Parlement roumain a adopté trois lois très importantes : la loi sur l’organisation de la justice, la loi sur le statut des procureurs et des juges et la loi sur le Conseil supérieur de la magistrature. Ces lois rendent la justice roumaine totalement indépendante du pouvoir politique.
La cour d’appel de Bucarest
Depuis que ces lois ont été adoptées, les procureurs ont commencé à enquêter sur les gens de pouvoir. Beaucoup ont été poursuivis pour des affaires de corruption. En 2012, ça a été le tour du Premier ministre. À partir de ce moment-là, les politiciens ont essayé de reprendre le contrôle du système judiciaire. Ils ont commencé à intimider les magistrats, à travers certains médias. Ils ont commencé à changer les lois. Ils ont modifié le Code pénal et le code de procédure pénale, pour réduire les sanctions pour corruption. Maintenant, ils commencent à attaquer les trois lois importantes, via des ordonnances d’urgence. Le ministre de la Justice est maintenant très puissant.
Le gouvernement a aussi pris le contrôle de l’inspection judiciaire. Bien sûr que les magistrats doivent pouvoir être inspectés, mais pas par un organisme contrôlé par le ministère de la Justice. Moi-même je fais l’objet d’une procédure disciplinaire, pour avoir posté un message sur Facebook et alerté le public sur les réformes judiciaires, dans une interview à la télé. C’est terrifiant. Je suis juge depuis 20 ans, je refuse de faire partie d’un système où je ne serais pas capable d’être un juge indépendant.
En réaction à ces ordonnances d’urgence, plusieurs tribunaux ont suspendu leur activité, pour essayer de faire pression sur le gouvernement et le Parlement afin que ces ordonnances soient retirées : certains une journée ou une demi-journée, d’autres 1h00 ou 2h00, chaque jour.
Cristi DANILET, juge à Cluj
Ces 15 dernières années, les choses allaient dans le bon sens. Mais il y a maintenant un danger pour la justice roumaine de revenir sous le contrôle des politiciens. »
Sources sonores
Pouvez-vous vous présenter ?
Comment fonctionne le système judiciaire roumain ?
Les tribunaux sont-ils les mêmes ?
Les pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif sont-ils bien séparés ? La justice est-elle indépendante ?
Pour un acte identique, les condamnations sont-elles les mêmes qu’en France ?
Y a-t-il beaucoup de prisonniers ?
Comment sont-ils traités ? Quelles sont les conditions de détention ?
Question bonus : Qu’en est-il des condamnations concernant les violences faites aux femmes ?