« A La Réunion, on assume aujourd’hui l’Histoire de l’esclavage »
Publié le 5 mars 2018
Jean BARBIER est le Conservateur du musée Villèle. Ancienne propriété coloniale, la maison de maître a appartenu successivement à la famille DESBASSAYNS et VILLELE jusqu’en 1927. Il répond aux questions de Zoé, Adèle et Eléa, les globe-reporters du collège Germaine Tillion à Lardy (91).
Economie, histoire et politique
Le musée Villèle n’est pas exactement un musée sur l’esclavage. Tout comme à Maurice, une telle institution n’existe pas. C’est à travers la vie et l’histoire d’une riche famille coloniale que nous découvrons des bribes de ce que à quoi pouvait ressembler le quotidien de ces hommes, femmes, enfants venus d’Afrique pour la majorité, contraints et forcés de travailler dans les grandes exploitations agricoles de l’île Bourbon.
Le Musée Villèle a conscience de ces lacunes, et Jean BARBIER explique qu’un grand chantier d’extension du Musée est en cours pour axer davantage le parcours sur l’histoire et les traces de l’esclavage.
Pour rencontrer le conservateur du musée, Sidonie a tout d’abord envoyé un mél au service de communication du Musée. Quelques temps plus tard, Jean BARBIER lui écrivait pour avoir plus de renseignements sur le projet et les modalités de l’interview. Une fois l’objectif de l’interview expliqué, il a immédiatement accepté.
En arrivant au musée, nous commençons par l’interview puis, Jean BARBIER, en passionné qu’il est, accompagne Sidonie pour sa visite du domaine, jusqu’à la chapelle pointue.
Un grand merci à lui !
Sources photographiques
La maison de maître au cœur du domaine.
Les derniers occupants de la maison, les descendants de la famille DESBASSAYNS-VILLELE. La maison a été habitée jusqu’en 1927.
Une gravure de l’époque représentant le domaine avec dans le fond l’usine sucrière déjà bâtie.
L’usine ne sera pas restée longtemps en état de marche. En raison des nombreux cyclones, il n’en reste aujourd’hui que des ruines. L’usine a été édifiée entre les années 1825 et 1827 et son activité s’est poursuivie jusqu’en 1920.
A l’entrée du Musée, un arbre généalogique présente la famille de Madame DESBASSAYNS.
Figure emblématique, personnage très controversé de l’histoire réunionnaise, Madame DESBASSAYNS (1755-1846) a administré avec fermeté ce grand domaine caractéristique de l’économie de plantation réunionnaise.
Dans la maison de maître, au rez-de-chaussée, des meubles et objets d’art décoratif restituent le cadre de vie de cette riche famille bourgeoise ayant vécu sur la propriété durant plus de 180 ans. Deux dynasties s’y sont succédées, les PANON-DESBASSAYNS durant la première moitié du XIXème siècle et leurs descendants, les VILLELE, jusqu’en 1973.
C’est à cette table que Madame DESBASSAYNS recevait ses riches amis. Les quelques témoignages que les historiens disposent sur Madame DESBASSAYNS proviennent des écrits de ces personnes, tous issus de la même condition sociale.
La face arrière de la maison dévoile une façade originale pour l’époque. La bâtisse ne ressemble pas à une maison créole traditionnelle. Elle emprunte davantage aux maisons coloniales que l’on retrouvait à Pondichéry en Inde.
Une dépendance juste à côté de la maison de maître, de type créole cette fois.
Dans une autre dépendance, on apprend l’histoire du marronnage. Au sol, on peut lire sur une reproduction d’un registre d’époque, la liste des noms des esclaves travaillant sur la propriété. Regardez bien. Ils ne portent pas de noms de famille. Ils n’étaient d’ailleurs même pas libres de choisir leur prénom. Ils ne disposaient d’un nom de famille que le jour où ils étaient affranchis. Aujourd’hui, cette pratique a des conséquences dramatiques : les descendants de ces esclaves n’ont aucun moyen de remontrer jusqu’à leurs origines. Impossible pour eux de savoir de quelles régions du monde ou de quels pays ils avaient été arrachés.
La chapelle pointue a été construite par Madame DESBASSAYNS pour les esclaves de sa propriété. L’évangélisation des esclaves était très importante dans la culture coloniale. Aujourd’hui, la dépouille de Mme DESBASSAYNS repose dans cette chapelle.
L’intérieur de la chapelle pointue. Lors d’un cyclone le 4 février 1946, la chapelle fut lourdement endommagée.
Son clocher tomba sur la stèle en marbre de la défunte et la fendit. Le jour du centième anniversaire de sa mort… Certains y virent le signe de la face démoniaque de Madame DESBASSAYNS.
Une statue dans le jardin représente Madame DESBASSAYNS en train de lire le Code Noir. Edité en 1685 par Louis XIV, le Code Noir régissait le travail des esclaves dans les colonies. Il est appliqué à La Réunion, alors appelée île Bourbon, à partir de 1724.
Jean BARBIER est le Conservateur du Musée Villèle, situé à Saint-Gilles sur la côte Ouest de La Réunion.
Sources sonores
Pouvez-vous vous présenter s’il vous plaît ?
Qui était Mme DESBASSAYNS ?
Pourquoi dit-on qu’elle avait un « double visage » ?
Question bonus : où se situe selon vous la vérité ?
Que s’est-il passé après son enterrement dans la chapelle pointue ?
Comment les habitants de l’île voient-ils ce personnage aujourd’hui (« Arrête, le temps de madame DESBASSAYNS est fini ») ?
Qu’est-ce que le marronnage ? D’où vient le mot marron ?
Qu’est-ce que le site appelé « la vallée perdue » ?
Question bonus : y’a-t-il eu des révoltes d’esclaves à grande échelle ?
Est-ce que l’archéologie peut apporter des connaissances nouvelles pour la connaissance du marronnage ?
Quels vestiges reste-t-il des grandes exploitations employant des esclaves ?