Lamiha Ozturk, ex maître de conférence en économique, est coordinatrice nationale de Campus France en Turquie depuis 2014. Elle répond aux questions de Mine, Omer, Mert et Rumet du lycée Saint Benoît d’Istanbul.
Education, jeunesses d’Europe et sports
Pourriez-vous présenter la mission de Campus France ?
La principale mission de cet organisme est de promouvoir les études supérieures en France. De 2007 à 2010, notre rôle était limité à une mission d’’information, les inscriptions dans les universités françaises ne passaient pas par nous. Nos attributions ont évolué suivant la volonté du ministère des affaires étrangères en France, en réponse au besoin des établissements de gérer le flux des demandes, afin que tout passe par une plateforme. Désormais le recrutement des candidats est plus encadré, les dates bien fixées, c’est un moyen de simplifier le processus.
Quel pourcentage d’étudiants turcs choisit d’aller à l’université en France ?
Nous augmentons depuis 2014 de 10% de partants chaque année. En 2015 nous avons ainsi enregistré 3100 partants et reçu plus de 7000 candidatures ; en 2016 sur un peu moins de 8000 candidatures, 3400 jeunes turcs sont partis. Les précédentes années, nous avons constaté une légère baisse due à plusieurs facteurs : le coût de la vie en France alors que le cours de la livre turque joue parfois en notre défaveur. En 2012, la loi pénalisant la négation du génocide arménien adoptée par le parlement français a par ailleurs créé une réaction négative, une sorte de réponse sanction qui a affecté les départs.
Question bonus : comment expliquer les récentes hausses ?
Nous ne disposons pas d’enquêtes précises sur les motivations des candidats. Ce serait important d’en mener afin de connaître les raisons du choix de la France pour les études. Nous espérons que la hausse actuelle est le fruit de nos actions ! Nous avons visité plus de 45 universités en Turquie l’an passé pour promouvoir les études en France, nous essayons d’aller dans un maximum de départements à travers tout le pays. Certaines zones nous sont interdites par l’ambassade, ce sont les zones rouges sur sa carte de sécurité, certaines zones oranges nous sons accessibles sous réserve d’autorisation. Il existe également beaucoup de zones vertes ou nous ambitionnons d’aller, ça fait partie de nos champs d’action pour 2017, particulièrement dans les universités des petites. Certains y ont un fort potentiel, je pense par exemple à Adana ou il y a une alliance française et où Campus France ne s’est encore jamais rendu, par manque de ressources humaines. Nous sommes cinq personne pour tout le territoire et sommes déjà contents de pouvoir visiter une quarantaine d’établissements par an.
Où peut-on trouver les annuaires des programmes de bourse ?
Sur la page d’accueil de notre site internet, il y une zone en rose où est écrit « financez vos études ». Cette page existe en français et en turc. On y obtient la liste de toutes les bourses auxquelles il est possible de postuler depuis la Turquie, quel que soit son niveau.
Il existe également la page « bourses » de Campus France Paris qui réunit davantage de bourses. L’interface est la même mais est traduite en français, anglais et espagnol.
Nous n’avons pu intégrer les bourses de fondations privées que sur demande de ces dernières, il faut que les fondations nous contactent sinon il se peut qu’elles ne figurent pas sur notre site. L’un de nos projets est de mettre en place une mise à jour systématique des bourses pour les étudiants turcs.
Les étudiants étrangers peuvent-ils travailler durant leurs études en France ? Est-ce que beaucoup d’entre eux choisissent cette option ?
Oui, les étrangers obtiennent un visa long séjour pour leur année d’études qui se transforme en titre de séjour une fois qu’ arrivés en France ils passent par l’Office de l’immigration. Une fois que l’OFII colle son timbre sur le passeport du candidat, il peut travailler 964 heures par an. Nous n’avons pas de statistiques à ce sujet mais nous savons que beaucoup choisissent de travailler pendant les vacances universitaires plutôt qu’en parallèle des cours, tant que la date de leur visa le leur permet.
Doit-on avoir un diplôme de langue avant de partir étudier en France ?
Normalement oui mais cela dépend des formations. Si les candidats partent pour une licence en première année ils doivent justifier d’une connaissance de la langue française au niveau B2, sauf exception pour les candidats issus de lycées francophones. Concernant ceux qui postulent pour des licences 2 ou 3 ou en master, beaucoup suivent des cours en anglais. Dans ce cas il n’y a pas besoin de justifier d’un niveau de langue auprès de Campus France mais l’université française peut le demander. Pour les cours en français les candidats devront justifier d’un niveau B2.
Certains étudiants turcs rentrent-ils chez eux avant la fin de leurs études en France ? Pour quelles raisons ?
Quelques 26% de nos candidats rentrent à la fin de la licence 1 alors
qu’ils partent normalement pour trois ans. Nous sondons les candidats qui nous informent qu’ils sont rentrés, souvent c’est le niveau de langue qui leur pose problème. Si le niveau de français n’est pas vraiment acquis en partant, le suivi des cours est très difficile. Le maître de conférence parle trop vite pour eux, ils n’arrivent pas à prendre de notes. La prise de notes est en effet une habitude chez les étudiants français depuis le plus jeune âge, ce qui n’est pas le cas en Turquie. Pour une grande partie d’entre eux, même les notes de leurs camarades sont illisibles car ils ne comprennent pas les abréviations.
Avant leur départ en France si nous estimons que le niveau des candidats pourrait leur poser problème, nous leur conseillons de suivre des cours intensifs à l’Institut français en Turquie ou bien d’aller suivre des cours intensifs de langue en France durant les vacances avant leurs études. Sur notre site une fenêtre jaune indique les cours de français et la liste des écoles qui possèdent le label qualité « FLE ».
Existe-t-il des options d’internat pour les étudiants étrangers qui n’obtiennent pas de place en résidence universitaire ?
Le logement est une question assez récurrente, les résidences universitaires sont très prisées en France et il y a très peu de place. Il y a un ordre de préférence : les chambres sont données en priorité aux doctorants, aux étudiants de master, puis les licence 1 en dernier lieu. Même les français ont beaucoup de mal à trouver une résidence universitaire ça ne vise pas les étrangers.
Dans les universités françaises il n’y a pas d’internat mais certaines écoles de management ou d’ingénieurs proposent des hébergements, via des forfaits optionnels, mais il faut avoir les moyens.
Campus France a créé « Lokaviz.fr », un site qui permet aux candidats de trouver leur logement avant même de partir en France. Contrairement à d’autres sites, seuls les étudiants étrangers peuvent y postuler. Lorsque vous vous inscrivez et que vous avez trouvé votre appartement, vous pouvez choisir de payer 1,56% du montant du loyer à l’avance en ligne et ce logement vous est réservé. C’est l’Etat français qui se porte garant pour vous. C’est l’un des gros soucis pour nos candidats, lorsqu’ils trouvent un logement le propriétaire demande souvent un garant mais quand l’étudiant ne connaît personne, il rencontre de grosses difficultés.
Question bonus : Quelles sont les principales difficultés pour les candidats ?
C’est l’accueil, le logement et toutes les démarches administratives.
L’inscription en France se fait en deux étapes : inscription admnistrative
et pédagogique, alors qu’en Turquie nous n’avons que la première.
Concernant l’aspect financier, une part importante de nos
candidats, plus de 45%, part avec des bourses comme Erasmus, les bourses du gouvernement français ou bien la bourse Jean Monet (gelée depuis le coup d’Etat avorté du 15 juillet dernier). Les autres soit sont pris en charge par un proche ou bien ce sont des fonctionnaires qui complètent leur formation avec une année sabbatique.
Question bonus : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans l’organisation de ces programmes ?
Les dates pour les candidatures de master ont lieu du 1er janvier au 31 mars, ce qui correspond aux dates d’examen ou de vacances des étudiants turcs, il nous est donc très difficile de leur faire savoir qu’il y a ces appels à candidature. Beaucoup s’en occupent à partir du 15 février, ce qui ne leur laisse qu’un mois. Or, le candidat doit faire 15 vœux en master et il ne peut pas les faire au hasard, c’est un projet construit qui nécessite un certain nombre de recherches. Ça laisse peu de temps aux candidats pour pouvoir faire des recherches en amont. En plus de cela, à partir du 15 février ils débutent leurs cours.
Question bonus : Quel est l intérêt pour la France de recevoir des étudiants étrangers ?
C’est l’excellence française ! Il faut savoir que toutes les personnes qui candidates ne sont pas acceptées, le recrutement est très sélectif afin de promouvoir l’excellence scientifique de la France.
Nous partons du principe que même un candidat qui part faire un master en anglais pratiquera le français au quotidien et qu’il deviendra
donc francophone. C’est également une très bonne façon de développer la francophonie dans le monde.
Question bonus : Quels sont les pays concurrents de la France dans l’accueil des étudiants turcs ?
Ce sont les Etats-Unis car il y a beaucoup plus d’universités anglophones en Turquie qui dispensent des licences en anglais pendant quatre ans. Plus de la moitié font des « prépas intégrées » de langue anglaise. Beaucoup de leurs élèves partent en master. Ils se tournent moins vers la Grande-Bretagne car les recrutements y sont beaucoup plus sévères.
Notre second pays concurrent est la Pologne, la vie y est relativement peu chère, c’est donc une destination de choix pour les candidats qui ont des moyens financiers restreints.
Une interview réalisée en janvier 2017