Fish est l’un des plus anciens graffeurs de Beyrouth. Il a posé ses bombes quelques minutes pour répondre aux questions des globe-reporters et globe-reportrices Nicolas, Inès et Léana.
Culture et francophonie
Fish c’est Sari Saadeh et Sari Saadeh c’est Fish. Depuis gamin, ses amis l’appellent Fish car son prénom évoque celui d’un poisson. Fish est libano-arménien. « Quand j’étais petit, j’étais un peu anarchiste, raconte-t-il. J’étais tout le temps dans la rue. J’aimais détruire des choses et j’aimais dessiner. » Il semble devenu un peu plus sage.
Fish est un Libanais d’origine arménienne. Il est né au Liban, mais il a grandi en partie en Grèce, à Athènes, où ses parents se sont réfugiés pendant la guerre civile. La famille, qui revenait chaque été au pays, est rentrée définitivement en 1993.
Le dessin est une passion d’enfance et une histoire familiale. « J’ai eu de la chance », dit-il. Sa mère est peintre, comme un de ses oncles. C’est donc tout naturellement qu’il prend des crayons. S’il ne fait pas les Beaux-arts, il prend quelques cours de dessin et les études lui permettent tout de même de se perfectionner avec l’image numérique et des logiciels comme Photoshop.
Fish ne dessine pas des gens connus. Il s’en « fish », pourrait-on dire. « Ces gens sont assez connus. Ils n’ont pas besoin de moi pour leur faire de la publicité. Je fais des choses pour les gens ordinaires, pas pour les célébrités. »
Pourquoi se consacre-t-il aux graffs ? « J’aime avoir des couleurs dans la rue. Les murs ont plein de trous. Il y a du gris partout. Il y a plein d’immeubles détruits. Avec les couleurs, ça change. »
Fish dessine surtout à Beyrouth, puisqu’il y vit, mais il a aussi graffé dans les villes du sud comme Tyr. Quand nous le rencontrons, il rentre du nord du pays. Il était près de la frontière avec la Syrie, où il a fait des dessins dans un petit village.
À Beyrouth, il n’arrête jamais. « J’ai toujours mes bombes avec moi. Je peins dans les quartiers chrétiens ou musulmans. Je n’ai pas de problème. » Ses messages dépendent de l’époque. La crise des déchets que vit le pays depuis plusieurs mois inspire son travail. Fish ne pense pas être un jour en manque d’inspiration, car « il y a toujours des problèmes au Liban, on a toujours des choses à écrire. » Si des livres ont déjà été publiés sur les graffitis libanais, Fish, pour le moment, n’a aucun projet de ce type.
Fish peut travailler seul, mais aime bien travailler avec ses amis. Ils forment une crew. C’est la crew la plus ancienne de Beyrouth. « Un crew, c’est une famille. Quand on travaille ensemble, on s’entraide. On se passe des couleurs. » Exist, Meuh, Spaz, Subci, Zed sont aussi des membres de la crew. Quand ils veulent faire de beaux graffs, ils peignent le jour, même s’il arrive qu’ils peignent la nuit puisqu’ils ont toujours leurs bombes.
Fish est en bons termes avec beaucoup de street artistes de Beyrouth. C’est tous ensemble qu’ils ont fait évoluer le graff libanais, très rapidement. « En 10 ans, on a presque atteint un niveau international. » Une scène graff qui est concentrée surtout à Beyrouth, où les esprits sont plus ouverts.
Une interview réalisée en janvier 2016 et réactualisée en janvier 2021
Sources sonores
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