Yannick GUIMARD est adjoint de la directrice d’exploitation de la Saga Du rhum, l’unique musée sur le rhum à la Réunion. Il a répondu aux globe-reporters du lycée Louis Arago à Perpignan.
Economie, histoire et politique
Pouvez-vous présenter la distillerie Isautier ?
Installés dans l’île depuis 1832, les frères Isautier s’allient à une puissante famille de propriétaires terriens du Sud, les Orré. En 1835, Louis épouse Appolonie Orré. La cousine germaine de cette dernière, Antoinette Orré, devient en 1840, l’épouse de Charles. Associés en affaires, les frères et leurs épouses fondent en 1845 l’entreprise familiale, dont les activités se concentrent alors sur la production de sucre et de rhum.
A la mort des deux frères, c’est Antoinette qui, aidée par ses trois fils, reprend les rênes de la Maison Isautier sous l’étiquette « Veuve Charles Isautier et Fils ». Le rhum Isautier, conditionné en bouteille de grès, devient une valeur de référence.
Créée en 1845, la distillerie familiale Isautier est la première usine d’envergure industrielle de La Réunion à être toujours en activité.
Combien de distilleries en activité à La Réunion ?
Trois distilleries sur l’île ont vocation industrielle, Isautier, Savanna et Riviere du Mât. Les trois sont associées pour créer le musée de la Saga du Rhum. Aujourd’hui une quatrième micro-distillerie existe : la Part des anges.
Est-ce que tous les ingrédients proviennent de l’île ?
La matière première pour le rhum est la canne à sucre. Toutes les distilleries s’appliquent à respecter les règles de l’ IGP (indication géographique protégé) garantissant que le rhum est fait avec des cannes de la réunion et transformé à la réunion.
"Rhum réunionnais" est-ce vrai ou marketing ?
Le rhum, la canne et le sucre sont partie prenante de la culture et du savoir vivre réunion. La réunion est ce qu’elle est aujourd’hui grâce ou à cause de la filière canne. Toutefois le marketing est indispensable dans le milieu de la vente d’alcool et la volonté de rapprocher le rhum à la culture réunionnaise est indispensable et se justifie pleinement.
Le Rhum Charrette est le premier rhum à la Réunion, est-ce parce qu’il est moins cher que le rhum Isautier ? Quelle différence entre les deux ?
Charrette appartient au GIE rhum réunion, c’est aussi un partenariat entre les distilleries mais reste indépendant. Moins cher ? Non, pas forcément. Hors promotion, les bouteilles sont souvent au même prix. Le prix peu élevée du Charrette vient du fait qu’il s’agit d’un produit "mass market" (grosse production, prix bas pour une vente de gros volume). Il reste un rhum de qualité idéale pour faire des rhums arrangés, c’est son but premier ! La tradition des rhums arrangés maison est ancrée à La Réunion et toute la famille les préparent pour le plaisir d’offrir aux personnes de passage. La différence entre le Charrette et Isautier (pour les deux blancs 49°) vient de la recette de fabrication. Charrette est un peu plus simple à fabriquer (recette inchangé depuis 1972) alors que l’Isautier reste dans une démarche d’innovation et de sélection de son rhum. Pour Isautier on parlera de "premium market" (moins de production).
N’oublions pas que pour beaucoup de Français, le rhum charrette reste la marque référence du rhum de La Réunion (même si cela change beaucoup ces dernières années au profit des marques de distillerie). Souvent, en métropole, on achète du charrette avant tout pour son étiquette et à l’image qu’elle renvoie.
Quelles sont les étapes de la fabrication du rhum ?
Comme toute eau de vie, les étapes principales sont la fermentation (du jus de canne ou de la mélasse) suivie d’une distillation. Le produit final peut soit être vendu directement en blanc ou alors passer par une étape de maturation ou de vieillissement.
Est-ce qu’elles sont les mêmes pour tous les rhums à la Réunion ?
Oui, les appellations Rhum traditionnel agricole et Rhum traditionnel de sucrerie répondent à un cahier des charges bien précis identique à toutes les distilleries. Les temps de fermentation, de distillation et de vieillissement varient selon les distilleries et les produits.
Que représente le marché du rhum dans l’économie réunionnaise ?
L’agriculture est le principal fer de lance de l’économie réunionnaise. La filière canne-sucre-rhum représente plus de 50% des exportations de l’île, En emploi induit, direct et indirect, elle occupe la première place dans les sources d’emploi de l’île. Le secteur agroalimentaire est quant à lui le principal secteur industriel de l’île. Au-delà de la valeur économique de ce secteur, le rhum reste à la réunion un marqueur identitaire fort. Il entraîne dans son sillage l’histoire mais aussi une vision sociétale plus moderne grâce aux innovations de cette filière. Ces innovations devront garantir l’avenir du rhum à la Réunion afin de rester compétitif sur le marché national mais aussi local. Le rhum réunionnais doit rayonner sur son marché.
Sources photographiques
Les différentes zones de production de la canne à sucre à La Réunion présentées à l’entrée du musée.
Les différentes étapes de la fabrication du rhum.
A l’entrée du musée de la Saga du Rhum, les visiteurs traversent une distillerie.
Mais qu’est-ce que la distillation ?
Dans le musée, les visiteurs peuvent lire de très nombreuses informations sur l’histoire de la canne à sucre et du rhum à la Réunion.
Des vieilles bouteilles de rhum exposés dans le Musée
A la fin de la visite, les visiteurs ont la possibilité de boire un verre de rhum avant de passer par la boutique.
L’entrée de la boutique où les visiteurs ont dû mal à résister...
Un peu d’histoire ...