Mon Têt à la campagne : j’ai passé le nouvel an lunaire dans une famille vietnamienne
Publié le 30 janvier 2017
Pour le Têt, j’ai fait comme tous les Vietnamiens : je suis partie en dehors de Hanoi, en famille !
Carnet de route
Vendredi, 14h00 : départ pour passer le réveillon à Nam Dinh
A Hanoi, ce vendredi, les stores des magasins sont baissés, la circulation est fluide, il y a moins de scooters. Ceux qui se déplacent portent des ballons en forme de coq ou bien des fleurs de pêche, ces arbres qui fleurissent à cette période de l’année, et que l’on achète pour le Têt. Les habitants des villes sont déjà partis dans leur famille, à la campagne. Résultat : le bus que nous prenons avec mon ami Hao pour Nam Dinh, à 1h30 de Hanoi, n’est même pas rempli !
Regardez ce que j’ai acheté pour la nouvelle année lunaire : cette année, c’est l’année du coq !
Arrivés à la ville où vit son père, son frère, sa belle-soeur et leurs deux enfants, nous achetons des petits gâteaux et des enveloppes rouges dans lesquelles nous donnerons de la "lucky money" aux enfants, des petites coupures de 10.000 ou 20.000 dongs (entre 50 centimes et un euro) destinées à leur porter chance.
Les enfants de l’école Dien Bien, à Hanoi.
Une fois arrivés chez le père de Hao, il faut mettre le maximum de choses sur l’autel des ancêtres. Bananes, pommes, bière Heinekein, faux argent, cigarettes, plats cuisinés... Il n’y a plus de place sur les meubles de bois sombres au-dessus desquels sont accrochés les photos des défunts. Six bols ont été sortis, dans lesquels du riz a été disposé.
"Nos ancêtres vont être super riches"
Il fait doux, 20 degrés. Comme une soirée d’été chez nous. Des odeurs de fumée se dégagent d’un peu partout : les Vietnamiens brûlent de l’argent pour l’envoyer aux ancêtres. De faux dongs, de faux dollars, de simples feuilles de papier, comme au Monopoly. "Avec tout ça, nos ancêtres vont être super riches", m’explique Hao en riant.
On entend un le bruit répétitif des coups d’un bâton. J’ai déjà entendu ce bruit, dans le film L’odeur de la papaye verte (vous pouvez entendre le bruit au début de cette bande-annonce). "C’est une personne bouddhiste très pieuse qui fait une prière", commente Hao. Une fois l’argent brûlé et l’encens consumé, la belle-soeur de Hao vient reprendre le riz : nous le mangerons. En fait, nous pourrons reprendre tout ce qui se trouve sur l’autel. "L’important, c’est que les ancêtres mangent en premier", explique Hao. C’est pourquoi l’on mange des plats parfois un peu froids au Vietnam !
A nous de diner !
2017, année du coq. En France, nous avons l’habitude de couper la tête des poulets avant de les mettre sur la table. Pas au Vietnam ! On mange même les pattes du coq !
Depuis le début, pour vous faire comprendre le Têt, je vous dis souvent "c’est comme chez nous, en France, lorsqu’on fait ça ou ça, à Noël" mais en fait, le Têt, ce n’est ni comme Noël, ni comme la Toussaint, ni comme le Réveillon.
Voyager, c’est se dire à un moment que notre culture, notre manière de vivre, de penser, d’agir n’est pas la culture de référence, par rapport à laquelle se positionneraient les autres. Le Têt, c’est le Têt et il n’y a rien de comparable en France !
D’ailleurs, il n’y a pas d’arbre de Noël, pas de sapin ! On trouve dans beaucoup d’habitations cet arbuste acheté une trentaine d’euros, et que l’on recouvre de guirlandes.
Talons hauts & pagode
Si le Têt est une fête vouée au culte des anciens, on sort aussi entre amis. Hao a l’habitude de passer voir ses amis d’enfance. Nous tentons un café un peu chic, aux grandes baies vitrées, "le seul endroit où l’on peut sortir", me glisse mon ami. Il est bondé, envahi par des bandes de jeunes habillés comme pour aller en boîte. Coupe à la JustinBieber pour les garçons, et talons hauts pour les filles. Ils viennent boire un café, un smoothie ou manger un yaourt (souvent mélangé avec du café).
Aucune place n’est disponible ! "C’est pas grave, dit Hao, on va aller directement à la pagode. A minuit, après, il y a trop de monde de toute façon."
Sur le chemin, des vendeurs de ballons rouges, d’encens et de feux d’artifices nous interpellent.
La prière à la pagode est un passage obligé pour le réveillon du Têt, et il y a déjà beaucoup de monde, même s’il n’est que 22h30. Nous achetons des petits sachets de sel, censés nous porter chance pour l’année à venir. "Si tu prends un encens béni à la pagode et que tu rentres chez toi avec, ça te portera chance aussi", conseille Hao. J’en prends trois : on n’est jamais trop prudents !
Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons à l’église. Il y a beaucoup de catholiques au Vietnam. Tout le monde n’a pas pu entrer. La plupart suivent, comme nous, la cérémonie sur l’écran géant, en restant assis sur leur scooter garé face à l’église."Regarde, s’amuse Hao, certains ont des encens dans les mains. Ils ont dû passer à la pagode avant, comme nous."
=> Regardez la vidéo dans la Pagode
Le dragon, copain du coq
Minuit approche. Après les ancêtres, il est temps d’honorer le génie de la maison, censé protéger le foyer familial. Les Vietnamiens posent une table à l’entrée de chez eux, avec des offrandes.
Puis une personne doit quitter la maison pour être la première à revenir après minuit, en tout début de l’année. "Cette personne est choisie en fonction de son année de naissance. Par exemple, si tu es née l’année du cochon, et qu’on estime que le cochon s’entend bien avec le coq dont c’est l’année en 2017, c’est toi qui doit être la première à venir chez nous après minuit, parce que tu apporteras du bonheur." Attention, suivez-bien, car Hao apporte une petite précision qui a son importance : "C’est bien aussi si l’animal de l’année de la personne qui est la première à entrer dans la maison après minuit s’entend bien avec l’animal du propriétaire." Vous avez tout compris, les globe-reporters ?
Cette année, c’est Huy, 4 ans, qui est choisi pour sortir de la maison avant minuit, et rentrer peu après. "Il est né en 2012, l’année du dragon. Et le dragon s’entend bien avec le coq", justifie Hao. Huy est censé dire des voeux en entrant, mais il est trop petit et ne se souvient plus de tout !
Dehors, les cloches de l’église tintent, les feux d’artifices crépitent, le battement régulier des prières de la pagode résonnent. Bonne année du Coq !
Samedi & Dimanche : visite de la famille et des amis
Le lendemain, lever tôt pour aller dans un village voisin où se situe la maison du grand-père de Hao, aujourd’hui décédé. La maison est composée d’une seule petite pièce, occupée par un sommier de lit et un meuble dédié au culte des ancêtres.
Sur les meubles, des offrandes, du coca, de la bière, de la nourriture. Je n’ai volontairement pas photographié les photos des proches de mon ami Hao aujourd’hui décédés.
Petite visite ensuite de la pagode du village. La moine, Huong, nous offre de l’eau, des bonbons ainsi qu’un petite enveloppe rouge avec un peu d’argent dedans (lucky money !). Elle a 34 ans, vient d’une autre province et son rôle est d’administrer la pagode. Je fais remarquer à Hao que la musique pour prier est un peu étrange (écoutez le son en fichier joint), plus adaptée à une discothèque. "Ce n’est pas du tout représentatif de ce qu’on écoute dans les pagodes", souligne Hao. Avant notre départ, la moine nous glisse des petits sachets de sel pour nous porter chance.
Pour le Têt, j’ai mis la tenue achetée avec Diep ! C’est Huong, la moine, qui a choisi l’endroit, mais aussi la pause pour la photo. Je ne lui aurais pas imposé le cliché.
Pour le Têt, mettez des tongs
Après le déjeuner commence un rituel bien connu des Vietnamiens pour le Têt : la visite des différents oncles, tantes, cousins. Dans le village, des groupes de gens se déplacent, souvent bien habillés. Comme nous, ils font le tour des maisons.
Dans les rues du village du grand-père de Hao.
A chaque fois, il faut se déchausser. Au total, je me serai déchaussée / chaussée plus de 30 fois dans la journée ! Mon conseil : mieux vaut ne pas mettre des chaussures à lacets. Les familles nous accueillent dans des maisons souvent constituées d’une grande pièce, avec le lit des parents d’un côté, celui des enfants de l’autre, simplement séparés par un rideau. Au milieu, toujours l’autel des anciens, orné de fruits, de faux argent, de bouteilles de bière, d’encens.
Les maisons ne sont pas comme chez nous. Le point d’eau est souvent dehors. On voit les tuiles sous le toit. Il y a juste un fil suspendu et une ampoule accrochée au bout en guise d’électricité. La tante de Hao, âgé de 70 ans, vit dans sa maison, dans son petit village, depuis 50 ans, depuis le jour de son mariage. "Mais nous avons refait la maison en 1980", précise-t-elle.
La tante de Hao insiste pour poser avec moi dans sa tenue traditionnelle :" il faut que tu apprennes le vietnamien, car moi je ne vais pas apprendre le français !"
Partout, on nous propose du thé, des graines de tournesol, des galettes de riz, des bonbons, des fruits... Quitte à surcharger la table ! "C’est une manière de montrer que l’on sait et que l’on peut recevoir", décrypte Hao. Une, deux, trois, quatre, cinq, six visites... La famille est nombreuse !
Essayez de trouver le drapeau vietnamien sur cette photo !
Pour le Têt, les enfants adorent faire exploser des pétards. Hao fait une démonstration devant les enfants visiblement très amusés.
=> Regardez la vidéo où Hao fait exploser un pétard
Combat de coqs
Pour notre dernière visite, nous allons voir Ngan, 29 ans, un cousin d’Hao. Il est électricien dans une usine de textile mais organise aussi des combats de coqs pour compléter ses revenus.
Ngan, 29 ans, le cousin d’Hao, devant son poulailler.
18h00. Nous allons au café cette fois un peu moins bondé retrouver des amis de Hao, tous francophones. Ils travaillent dans la banque, l’assurance, la construction. Je déguste enfin le café au yaourt, une mixture finalement délicieuse !
Hao est heureux de retrouver ses amis d’enfance. "Nous avons étudié le français ensemble".
Dimanche - BacktoHanoi
Le lendemain, après un dernier repas en famille, Hao et moi retournons à Hanoi en bus. Comme il est journaliste, il travaille tout le temps et n’a pu poser que 2 jours de congés pour le Têt, là où la plupart des Vietnamiens prennent une semaine. Tous les matins, il se lève à 4h00 pour présenter les informations et dort la plupart du temps au bureau. Sans doute pourrait-il travailler moins et gagner plus en trouvant un job dans un autre secteur, ce qui est une possibilité pour beaucoup de journalistes, souvent sollicités pour travailler dans la communication par exemple. Mais Hao veut continuer à exercer ce métier. Nous partageons la même passion pour le journalisme.