Offrir des études à ses enfants pour qu’ils échappent à la pauvreté ; le rêve d’Alpha Oumar

Publié le 28 novembre 2018

Alpha Oumar BAH, chauffeur de taxi, qui conduit chaque jour notre envoyé spécial dans tout Conakry, explique aux globe-reporters Pablo, Rayan, Théo, Cindy du collège Verlaine de Paris ses conditions de vie.

Vie quotidienne

Tous les matins, Alpha Oumar BAH vient chercher notre envoyé spécial chez Nadine Bari, l’endroit où il loge à Conakry. Nadine lui prête la voiture d’un ami guinéen qui a émigré en Espagne. Cet ami a laissé sa voiture dans le garage de Nadine pour qu’elle puisse l’utiliser à sa convenance.

Depuis l’arrivée de Raphaël, Alpha Oumar a plus de travail que d’habitude. Il est chauffeur de taxi de profession, mais il n’a pas les moyens de se payer une automobile. Il est donc employé dans une compagnie de taxi avec un salaire très modeste. Et sans la garantie de pouvoir travailler tous les jours. Grâce à la gentillesse de Nadine et à ma présence chez elle, voilà qu’il peut à nouveau se mettre au volant.

Alpha Oumar vit à deux pas de chez Nadine, mais notre envoyé spécial n’a pas encore osé lui demander d’entrer dans sa maison. Il faut parfois laisser passer un peu de temps quand on est journaliste pour oser demander d’accéder à ce que les gens ont de plus intime, leur foyer et leur cœur.

Le questionnaire des globe-reporters est l’occasion de s’inviter chez lui. Il vit dans une seule pièce. Tout l’espace est occupé par un lit et un ventilateur. Son téléphone portable et quelques vêtements mis à part, il ne possède rien d’autre.

Lorsque Raphaël prend connaissance de la nature des questions que Pablo, Rayan, Théo, Cindy demandent de poser à un citoyen guinéen, il se dit qu’Alpha Oumar est la personne idéale pour que les globe-reporters comprennent combien il est difficile de joindre les deux bouts en Guinée et notamment de permettre à ses enfants d’étudier dans de bonnes conditions.

Sa fille Mariama est présente dans leur minuscule maison d’une seule pièce. Raphaël prévoit déjà de retourner la voir pour l’interviewer sur sa vie de jeune fille de 18 ans issue d’un milieu qu’on peut qualifier de pauvre. Alpha Oumar vit avec elle à Conakry tandis que son épouse et ses cinq autres enfants vivent au village dans le Fouta-Djalon. Là-bas, il construit une maison pièce par pièce, à la mesure de ce qu’il peut économiser. Voici son interview. Mais avant sachez qu’1 euro équivaut à environ 10 000 francs guinéens (NGF) et que l’équivalent du SMIG est de 400 000 NGF (environ 40 €)


- Combien coûte la vie en Guinée ; loyer, nourriture, les impôts, etc.
 

Pour le loyer de la pièce, je vers 250 000 GNF au propriétaire par mois. Je paye le courant tous les 2 mois. Je n’ai pas de télévision ou de frigidaire, je n’ai qu’une ampoule et un ventilateur. Cela fait environ 30 000 GNF tous les 2 mois. Pour l’eau, je paye 15 000 GNF par mois.
Quand, je vais faire des courses au marché et que nous ne sommes pas toute la famille, je m’en sors pour 50 000 GNF. Si je décide d’acheter de la viande, c’est plutôt 100 000 GNF parce que le kilo de viande est à 45 000 GNF.
Quand je fais le taxi, je paye à la compagnie de taxi 100 000 GNF par jour pour la location du véhicule. Quand tout se passe bien, je gagne 50 000 GNF par jour. Au total, les bons mois, je gagne 1 800 000 GNF (environ 190 €). Mais c’est variable et certains mois, je ne gagne que 500 000 GNF.
Je ne peux pas dire que je vis bien. On mange surtout du riz avec des petites sauces. Et j’envoie le reste de l’argent au village.
Le matin, je bois un café avec un petit pain. À midi, je mange du riz. Au diner, si j’ai bien gagné, je peux payer des haricots.
 

- Combien coûte l’école privée pour les enfants ?
 

Ça dépend la catégorie de l’école, mais il faut compter entre 150 000 GNF et 300 000 GNF par enfant et par mois. Pour Mariama, je paye 300 000 GNF. C’est la seule qui va dans une école privée. Les écoles privées travaillent malgré la grève des enseignants et les classes ont environ 30 élèves. Pour mes autres enfants, qui sont au village et qui vont à l’école publique, je dois payer l’inscription et le banc, c’est à dire une place pour qu’ils puissent s’asseoir. Mais en ce moment, c’est la grève et il n’y a pas de cours.
 

- Pour les chômeurs, est-ce que l’état donne de l’argent ?
 

Non.
 

- Est-ce qu’il y a des bourses pour les enfants des familles pauvres ?
 

Non.
 

- Est-ce que vous payez des impôts ?
 

Pour la voiture, je paye chaque année 300 000 GNF et je paye 1 000 GNF par jour à la mairie. Le prix dépend de la commune. Pour travailler dans les 4 communes de Conakry, je paye 2 500 GNF.
 

- On raconte qu’il y a beaucoup de corruption en Guinée. Est-ce que vous êtes victime de cette situation au quotidien ?
 

Vous avez vu comment cela se passe, il y a quelques jours. Un policier nous a arrêtés et, même si mes papiers sont en règle, il a fallu lui donner de l’argent pour poursuivre notre route, de 20 000 à 50 000 NF. Sinon, ils immobilisent la voiture.
Quand on fait une inscription dans une école, il faut déjà donner de l’argent à un intermédiaire pour être sûr d’avoir une place. Et parfois, cet argent est perdu.
C’est pareil pour être soigné dans un centre de santé. En général, si tu ne donnes rien, tu n’obtiens rien.
 

- Après le Bac, est-ce qu’on a du choix pour faire des études supérieures ?
 

Oui, il y a beaucoup de choix, mais je ne suis pas certain que nous ayons les moyens de payer les frais. Mon principal objectif est que mes enfants puissent étudier alors que moi, je n’ai pas été à l’école.
 

- Diriez-vous que l’économie de la Guinée est bonne ?
 

À mon avis, ça ne va pas bien. Si je prends ma situation, cela ne va pas bien.
 

- Idéalement, combien voudriez-vous gagner par mois pour payer les études de vos enfants et manger correctement ?
 

Il faudrait que je puisse gagner 150 000 GNF par jour.
 

- Avez-vous un message pour les globe-reporters ?
 

Je les remercie et j’aimerais que mes enfants puissent étudier comme eux.
 

- Question bonus : Avez-vous envisagé de partir de Guinée pour aller travailler ailleurs ?

Oui j’aimerai, car avec cet argent je pourrai faire face aux besoins de ma famille et payer l’école privée. Je n’ai pas eu la possibilité d’aller à l’école et je ne veux pas que mes enfants soient comme moi. Mais, si ma situation ne s’améliore pas, cela va être difficile. Pour moi, je n’ai besoin de rien.

Sources photographiques

Alpha Oumar Bah devant sa maison du quartier de Kipé à Conakry.
Alpha Oumar Bah devant sa maison du quartier de Kipé à Conakry.
Alpha Oumar Bah et sa fille Mariama dans leur maison du quartier de Kipé à Conakry.
Alpha Oumar Bah et sa fille Mariama dans leur maison du quartier de Kipé à Conakry.
Alpha Oumar Bah et sa fille Mariama.
Alpha Oumar Bah et sa fille Mariama.
Alpha Oumar Bah et sa fille Mariama.
Alpha Oumar Bah et sa fille Mariama.
Alpha Oumar Bah devant sa maison du quartier de Kipé à Conakry.
Alpha Oumar Bah et sa fille Mariama dans leur maison du quartier de Kipé à Conakry.
Alpha Oumar Bah et sa fille Mariama.
Alpha Oumar Bah et sa fille Mariama.

Sources sonores

  • Alpha Oumar se présente