Phuoc, vétéran et dernier paysan de Saigon

Publié le 15 février 2017

A 54 ans, Phuoc vit sur la presqu’île de Thanh Da, à Saigon. Ce vétéran de la guerre du Vietnam contre le Cambodge est l’un des derniers riziculteurs de Saigon.

Vie quotidienne

Tous les matins, Phuoc se lève à 5h, et travaille près de 12h par jour. Mais il récolte juste de quoi manger pour lui et sa famille et ne gagne rien. Autour de son champ, les autres rizières ont été laissées à l’abandon. Et au loin, les buildings de Saigon témoignent d’une réalité : l’urbanisation progresse, les immeubles avalent peu à peu les champs.

Je rencontre Phuoc par l’intermédiaire de Stéphane, fondateur de l’agence touristique Nam Viet Voyages. « Tu vois, ici, sur la presqu’île de Thanh Da, nous sommes à à peine ½ heure de Saigon en moto, m’explique Stéphane pendant que nous marchons en bordure de la rizière, des sacs plastiques aux pieds pour ne pas salir nos jeans. Et pourtant, les Vietnamiens ne savent pas forcément qu’il y a des rizicultures ici. » 

La fille de Phuoc, comptable pour 200 euros par mois

Un projet d’université ou de « resort  », de constructions d’hôtels, est évoqué ici depuis 20 ans. Mais rien n’avance. Phuoc et sa famille se sentent coincés : il ne peut pas étendre ses rizières, ni vendre sa maison.

Sa fille est comptable, elle gagne l’équivalent de 200 euros par mois. La jeune femme vient d’avoir un bébé mais n’a pas de congé maternité comme en France : elle ne gagne rien pendant qu’elle l’élève, les premiers mois après la naissance. Alors, elle et son mari vivent ici, chez son père, avec sa sœur. Les familles vivent ensemble au Vietnam. Cela est lié au respect des anciens, à la place de la famille dans la société mais aussi à des contraintes financières. 

Vivre ensemble permet d’économiser un loyer, des frais de garde avec la présence des grands-parents, de partager les récoltes de la rizière. Les gens sont pauvres, ici. C’est aussi pour cela que les paysans délaissent les rizières : le travail est usant et le rendement faible. Phuoc a des problèmes de santé et devrait arrêter de travailler. Mais qui lui paiera ses soins, sa retraite ? Il faut être fonctionnaire de l’Etat pour bénéficier d’une retraite.

Ancien combattant de la guerre contre le Cambodge

Au fil de la discussion, je comprends que Phuoc est également un ancien combattant de la guerre contre le Cambodge. Le Vietnam a mené bien des guerres : contre les Chinois, les Français, les Américains, et les Cambodgiens. En 1975, les Khmers rouges prennent le pouvoir au Cambodge, et mettent en place un génocide : ils assassinent un quart de la population. Imaginez un parti qui arriverait au pouvoir en France, et déciderait d’assassiner un Français sur quatre. Cela remonte à l’époque où vos parents sont nés. Cela paraissait alors irréel ; c’est pourtant ce qui s’est passé. Ces Khmers rouges reçoivent le soutien de la Chine, tandis que le Vietnam est plutôt aligné sur Moscou. 

Les Vietnamiens ne sont pas forcément intervenus pour stopper le génocide, mais pour protéger leur frontière avec le Cambodge, le territoire étant convoité par les combattants de l’Armée révolutionnaire du Kampuchéa, les Khmers rouges. A l’époque, le conflit faisait la une des médias français. Ici, un reportage présenté au 20 heures de la première chaîne.

 

« J’ai failli mourir pendant la guerre »

Phuoc veut bien évoquer ses souvenirs de guerre. Il se souvient ainsi de ce combattant d’armes, dont la mitrailleuse s’était enraillée. Ils avaient alors échangé leur position, pendant qu’il remettait son arme. « Une bombe a ensuite explosé : je ne savais pas ce qui se passait. Mais j’étais vivant, et mon compagnon d’armes est mort. Si son arme ne s’était pas enraillée, je ne serais pas là aujourd’hui, à vous parler. Je serais mort à sa place. Nous devions être démobilisés et rentrer chez nous tous les deux le mois suivant. »

A son retour du front, Phuoc se marie avec son actuelle épouse. « Comme elle ne savait pas si j’allais revenir, elle allait en épouser un autre ! Je suis revenu juste à temps.  », glisse-t-il en grignotant les fruits posés sur la table, assis devant chez lui.

La guerre, ce sont des drames humains. « Ne faites jamais la guerre, ne vendez pas d’armes  », implore Phuoc lorsque je lui demande quel message il veut laisser aux globe-reporters. Je me sens gênée en l’écoutant dire cela. Notre pays, la France, est l’un de ceux qui vend le plus d’armes au monde.

Sources photographiques

Phuoc vit dans le district de Bing Thanh, à Saigon, sur la presqu’île de Thanh Da.
Phuoc vit dans le district de Bing Thanh, à Saigon, sur la presqu’île de Thanh Da.
Ici, nous sommes dans le sud du Vietnam. Le climat est plus tropical : il fait 30 degrés. Et nous sommes en hiver !
Ici, nous sommes dans le sud du Vietnam. Le climat est plus tropical : il fait 30 degrés. Et nous sommes en hiver !
Les rizières d’un côté, la ville, qui gagne du terrain, de l’autre. Quel avenir pour les riziculteurs de Saigon ?
Les rizières d’un côté, la ville, qui gagne du terrain, de l’autre. Quel avenir pour les riziculteurs de Saigon ?
Stéphane Nguyen est franco-vietnamien. Il est né et a vécu à Paris. Il me fait découvrir Saigon. Et sinon, que pensez-vous de mon chapeau ?
Stéphane Nguyen est franco-vietnamien. Il est né et a vécu à Paris. Il me fait découvrir Saigon. Et sinon, que pensez-vous de mon chapeau ?
La végétation est plus verdoyante qu’à Hanoi et qu’au Nord du Vietnam.
La végétation est plus verdoyante qu’à Hanoi et qu’au Nord du Vietnam.
Sur la table, pour le Têt, on grignote souvent des petits bonbons et des graines de tournesol.
Sur la table, pour le Têt, on grignote souvent des petits bonbons et des graines de tournesol.
Phuoc et son épouse. « Lorsque j’étais à la guerre, elle a failli en épouser un autre. Mais je suis rentré à temps ! »
Phuoc et son épouse. « Lorsque j’étais à la guerre, elle a failli en épouser un autre. Mais je suis rentré à temps ! »
Pas de doutes, nous sommes bien à la campagne !
Pas de doutes, nous sommes bien à la campagne !
Ici, on se déplace en moto ou en vélo, rarement en voiture.
Ici, on se déplace en moto ou en vélo, rarement en voiture.
Derrière les rizières, les buildings en construction. Un projet immobilier est prévu ici depuis longtemps, mais rien n’avance.
Derrière les rizières, les buildings en construction. Un projet immobilier est prévu ici depuis longtemps, mais rien n’avance.
Un peu de calme loin de la pollution et le brouhaha de Saigon.
Un peu de calme loin de la pollution et le brouhaha de Saigon.
Les immeubles de Saigon.
Les immeubles de Saigon.
Phuoc vit dans le district de Bing Thanh, à Saigon, sur la presqu’île de Thanh Da.
Ici, nous sommes dans le sud du Vietnam. Le climat est plus tropical : il fait 30 degrés. Et nous sommes en hiver !
Les rizières d’un côté, la ville, qui gagne du terrain, de l’autre. Quel avenir pour les riziculteurs de Saigon ?
Stéphane Nguyen est franco-vietnamien. Il est né et a vécu à Paris. Il me fait découvrir Saigon. Et sinon, que pensez-vous de mon chapeau ?
La végétation est plus verdoyante qu’à Hanoi et qu’au Nord du Vietnam.
Sur la table, pour le Têt, on grignote souvent des petits bonbons et des graines de tournesol.
Phuoc et son épouse. « Lorsque j’étais à la guerre, elle a failli en épouser un autre. Mais je suis rentré à temps ! »
Pas de doutes, nous sommes bien à la campagne !
Ici, on se déplace en moto ou en vélo, rarement en voiture.
Derrière les rizières, les buildings en construction. Un projet immobilier est prévu ici depuis longtemps, mais rien n’avance.
Un peu de calme loin de la pollution et le brouhaha de Saigon.
Les immeubles de Saigon.

Sources sonores

  • En quoi consiste la culture du riz ?

  • Quelle est votre journée type ?

  • Est-ce que la culture du riz vous permet de gagner otre vie ?

  • Est-ce que d’autres membres de sa famille travaillent dans un autre secteur ?

  • Est-ce que vous essayez de faire autre chose pour compléter vos revenus ?

  • Qu’est-ce qu’il faisiat pendant la guerre contre le Cambodge ?

  • Quel est votre souvenir le plus marquant de la guerre ?

  • Quel était l’intérêt du Vietnam dans la lutte contes les Khmers rouges ?

  • Un message pour les globe-repoters ?

Sources vidéo

Visitez la rizière avec Elodie.