En Roumanie, rencontre avec une procureure anticorruption
Publié le 8 février 2021
Delia CIURARIU est procureure à la Direction Nationale Anticorruption (DNA) à Bucarest. Elle répond aux questions des collégiens français de Notre-Dame de la Salle à Marmande, Kassandra, Timothée, Gabriel, Eva et Emma, sur son métier et la justice dans ce type d’affaires en Roumanie.
Droits humains, solidarités et citoyenneté
Les élèves de Marmande demandent à leur envoyée spéciale en Roumanie, Marine LEDUC, d’aller rencontrer la célèbre Laura KÖVESI, ancienne procureure générale de la DNA en Roumanie. La création de la DNA en 2003 était une condition d’entrée dans l’Union Européenne en 2007. Laura KÖVESI devient rapidement le symbole européen de la lutte anticorruption dès son arrivée en 2013. Tellement qu’elle n’habite plus en Roumanie, mais... au Luxembourg !
Car elle a été nommée procureure générale du tout nouveau Parquet européen qui devrait être inauguré en mars 2021. Marine ne peut donc pas la rencontrer sur place. De plus, Marianne RIGAUX, journaliste qui travaille souvent en Roumanie, lui apprend que le service de presse du Parquet européen n’accepte pas d’interview pour le moment, les magistrats étant très occupés.
Pour répondre aux questions des globe-reporters, Marine essaie donc de trouver une femme procureure qui parle français à la DNA. Marianne lui donne alors le contact de la porte-parole de la DNA, Livia SAPLACAN, elle-même francophone.
Après quelques échanges, Livia SAPLACAN organise un rendez-vous avec une procureure disponible et qui est d’accord pour parler en français : Delia CIURARIU. Pour aller à la DNA, située au centre-ville de Bucarest, Marine doit prendre un « trolleybus » pendant quinze minutes. Un « trolleybus » est l’ancienne version du bus électrique, qui fonctionne grâce à des câbles électrique tendus au dessus des routes. Un peu comme un tramway sur roue en fait. Ensuite, Marine doit marcher dix minutes à travers le parc central de Cismigiu pour arriver à la DNA.
Ce matin il y a du brouillard mais Livia SAPLACAN explique à Marine, la symbolique du lieu : « En descendant l’escalier principal, les jours ensoleillées on peut voir une partie de l’ancienne Maison du Peuple (un bâtiment gigantesque construit par Ceausescu), aujourd’hui le siège du Parlement Roumain. C’est comme pour garder un œil sur ceux qui essayent de violer les lois décidées par le même Parlement. D’ailleurs, depuis la création de la DNA, plus d’une centaine de dignitaires (ministres, secrétaires d’Etat et membres du Parlement) ont été renvoyés en justice et plusieurs dizaines ont déjà reçu des condamnations pour des faits de corruption. D’autre procès sont encore en cours. C’est un très clair message pour la société que personne n’est au-dessus de la loi. »
Livia la conduit ensuite jusqu’au bureau de la procureure. Avant de commencer l’interview, Marine réexplique à l’oral le projet Globe Reporters et ce qu’est EMICE+. En effet, il est toujours utile de reposer le cadre et l’angle avant l’interview pour être sûr que l’interlocuteur a bien saisi l’objectif de la rencontre. Les deux femmes se montrent très intéressées par le projet et par l’éducation aux médias et à l’information. Elles aimeraient que cela se développe plus en Roumanie.
Après l’interview, Delia CIURARIU explique à notre envoyée spéciale que le travail dans l’équipe de Laura KÖVESI a été passionnant, et marqué par le courage et la prise d’initiative pour des enquêtes dans des zones gravement touchées par la corruption.
Livia SAPLACAN insiste sur l’admiration qu’elle éprouve pour Delia CIURARIU : en tant que femme qui parvient à combiner vie professionnelle intense et vie familiale : la procureure est en effet mère de deux enfants qui ont 4 et 2 ans.
Ensuite, Livia lui fait visiter la DNA, lui explique les symboles et lui raconte quelques anecdotes que vous pouvez lire dans les légendes photos. Lors de la rédaction d’un article, ces détails apportent une touche vivante dans un reportage, surtout pour des sujets parfois plus difficile à aborder comme c’est le cas avec les affaires juridiques.
D’ailleurs, chose surprenante : on trouve à la DNA le buste du célèbre Prince de Valachie Vlad Tepes, « Vlad l’Empaleur », connu pour avoir inspiré le personnage du vampire Dracula dans le roman de Bram STOKER. Le nom vient d’ailleurs de son père, « Vlad Dracul » (Vlad le Dragon) qui appartenait à l’Ordre des Dragons pendant les Croisades. Malgré les histoires qui le présentent comme un être cruel et sanguinaire (écrites par des Saxons qui ne l’appréciaient guère), il est considéré comme un héros en Roumanie pour avoir combattu les Ottomans.
C’est surtout le régime communiste qui réhabilite son image, en le présentant comme un pourfendeur de l’aristocratie et de la corruption. D’où la raison, peut-être de sa présence à la DNA...Toutefois, dans une description comme dans une autre, il doit y sans doute y avoir une part de vérité. L’Histoire est écrite avec plusieurs perspectives, en fonction des intérêts parfois nationalistes…
Et comme dans le journalisme, il faut croiser les sources, vérifier les faits et connaître qui raconte l’histoire (et pourquoi il la raconte) pour apporter des nuances et aller le plus près possible de la réalité. Aujourd’hui, ce qui est certain, c’est que peu importe la réalité, l’image de Vlad Tepes et de Dracula est très utilisée en Roumanie pour des intérêts touristiques !
Merci de vous présenter et de présenter la DNA (Direction nationale anticorruption)
En Roumanie, y a-t-il plus de corruption que dans d’autres pays et si oui pourquoi ?
Laura Kovesi a été la première procureure générale de Roumanie. Est-ce important en tant que femme ?
Nous avons lu que le ministre de la justice, monsieur Toader, avait lancé une procédure de destitution contre Laura Kovesi en 2018. Pouvez-vous nous en parler et nous dire ce que vous ressentez face à cette situation ?
Elle est désormais procureure générale du tout noveau parquet européen, qu’est ce que cela représente pour la DNA et pour la Roumanie ?
Que pensez vous du fait que les femmes soient peu nombreuses dans ce genre de métier ?
Dans votre métier est-il plus difficile d’être une femme ?
Etiez-vous déjà une adolescente engagée au collège ? Si oui de quelle manière ?
Quels conseils pouvez-vous donner à des collégiens pour surmonter les difficultés et les défis de leur génération ?