2025 ; Retour à la Nouvelle-Orléans

Publié le 24 février 2025

La journaliste Marine LEDUC, notre envoyée spéciale en Louisiane, est bien arrivée. Elle nous raconte ses impressions, de retour à La Nouvelle-Orléans.

Carnet de route

Chères globe-reportrices et chers globe-reporters,

Ici Marine, votre envoyée spéciale en Louisiane. Je suis bien arrivée à La Nouvelle-Orléans, alias « Nola » ou la « Big Easy », la ville du jazz, des repas créoles et des maisons colorées. Contrairement à l’année dernière, où je ne connaissais pas bien la ville, je n’ai pas trop été dans les zones touristiques depuis mon arrivée. Je ne suis pas hébergée du côté du célèbre « French Quarter », le quartier français situé dans la partie de la ville appelée « Downtown ». Je loge dans une autre partie, le « Uptown », où peu de touristes se rendent.

Dans Uptown, il y a des quartiers à la fois très riches comme le Garden District, d’autres plutôt classe moyenne et aussi d’autres, beaucoup plus pauvres. Je suis dans le quartier de « Irish Channel », là où se sont installés beaucoup d’immigrés irlandais. D’ailleurs, après Mardi gras le 4 mars, il y aura la Saint Patrick le 17 mars, qui est très célébrée dans toute la ville. Le quartier sera en ébullition avec des fêtes et des parades irlandaises.

Justement, en parlant de festivités, je suis arrivée en pleine saison de Mardi gras ou de « Carnaval ». Le Mardi gras est une vieille tradition française païenne, quarante jours avant Pâques. Les gens se déguisent et renversent les codes. En Louisiane, c’est la plus grande célébration de l’année, beaucoup plus que Noël. La saison commence le 6 janvier, jour de l’Épiphanie et se termine le jour de Mardi gras, qui varie entre mi-février et début mars.

Cette année, la saison Carnaval dure presque deux mois ! Et cela veut dire des parades de chars et des bals tous les week-ends. On voit souvent des gens déguisés dans la rue pendant ces deux mois. Dans la campagne du pays cajun, près de Lafayette, la tradition est différente : les gens se déguisent, portent des chapeaux, des masques et vont de maisons en maisons avec des musiciens pour quémander de quoi manger. Là aussi, c’est une vieille tradition française qui a perduré en Louisiane.

À La Nouvelle-Orléans, je suis allée voir plusieurs parades. En général, les plus célèbres sont celles avec les grands chars, les « Marching bands », les fanfares de lycée, et des danseurs. Il y a aussi d’autres petites parades, toutes plus originales les unes que les autres. Par exemple, pour la parade Barkhus des habitants se déguisent avec leurs chiens et défilent dans la rue. À Tit’ Rex, d’autres paradent avec des chars miniatures très joliment décorés et parfois loufoques. À la parade du Krewe du Vieux, on peut voir des chars faits de bric et de broc, souvent satiriques et critiques de la politique.

Cette année, la parade du Krewe du Vieux a été très virulente contre l’administration Trump et son acolyte Elon MUSK. En effet, depuis l’élection et surtout depuis son investiture le 20 janvier, la politique américaine à l’intérieur comme à l’extérieur du pays est complètement chamboulée. En tant que journaliste et observatrice de l’extérieur, c’est intéressant, mais il faut aussi questionner ces atteintes aux valeurs démocratiques, à la liberté de presse et à l’état de droit, et ce recours incessant aux mensonges et à la désinformation. L’éducation aux médias a donc d’autant plus d’importance ici.

La Nouvelle-Orléans est une ville plutôt ouverte et anti-Trump, mais c’est une bulle dans un État « rouge » et pro-Trump. En tant que journaliste, je ne vais pas juger les votants de Donald TRUMP, mais plutôt essayer de comprendre pourquoi ils votent pour lui. Cela rentre dans un contexte historique, économique, politique et une mentalité qu’il est nécessaire de comprendre et expliquer, dans toutes ses nuances et complexités. Pas facile. En Louisiane, on pourrait même remonter à la Guerre de Sécession, la guerre civile américaine, qui divisait les états sudistes et ceux du nord, principalement autour de la question de l’esclavage. Cela a été suivi par la ségrégation, qui a divisé les Blancs et les Noirs jusqu’aux années 1960. Ces événements historiques laissent encore des cicatrices aujourd’hui.

L’ambiance est donc plus délétère cette année, avec beaucoup de gens qui craignent que leur pays ne sombre dans une autocratie, avec un président qui souhaite se mettre au-dessus des lois et de la Constitution, donc de l’État de droit. Avec une partie de la population qui sera également mise de côté. Les signes actuels montrent que cela peut être le cas. Il se passe beaucoup de choses ; les coupes budgétaires, les nombreux licenciements et les décrets qui placent le Président en décisionnaire au-dessus de certaines agences fédérales, pourtant indépendantes de l’administration présidentielle. Des milliers d’employés fédéraux en période d’essai (cela veut dire moins d’un an) ont été licenciés, aussi bien dans l’aide au développement ou dans les parcs nationaux. Des « rangers », des gardes forestiers qui protègent les parcs, ont dû quitter leur travail du jour au lendemain. Cela veut dire moins de personnes pour s’assurer de la maintenance des réserves naturelles, de la sécurité des visiteurs et de la prévention des incendies.

Je connais directement et indirectement au moins 3 personnes qui ont été licenciées du jour au lendemain, dont une habitante de Lafayette qui travaillait dans la protection des côtes et des zones humides. Elle était passionnée par son métier et m’avait aidée à trouver des interlocuteurs l’année dernière. Son emploi était essentiel, car la Louisiane dont les côtes et les zones humides sont des zones très vulnérables au changement climatique. De nombreuses interviews publiées dans Globe Reporters ont traité de ce sujet. Je vous invite à les découvrir.

Mais je ne veux pas finir sur une notre négative : le journalisme et l’information sont là aussi pour aider les citoyens à comprendre, à se préparer et à se mobiliser. Il y a toujours des gens qui vont manifester et agir, et la justice américaine essaie de contrer certaines de ces décisions. Comme disent les Cajuns louisianais, « Lâche pas la patate » et il ne faut pas désespérer !

Marine, votre envoyée spéciale en Louisiane

Un carnet écrit en février 2024

Sources photographiques

Départ pour la Louisiane : micro et enregistreur, ainsi que de la lecture en lien avec la Louisiane © Globe Reporters
Départ pour la Louisiane : micro et enregistreur, ainsi que de la lecture en lien avec la Louisiane © Globe Reporters
La rue Magazine, rue commerçante dans Uptown © Globe Reporters
La rue Magazine, rue commerçante dans Uptown © Globe Reporters
Un bus avec la devise de la ville en français © Globe Reporters
Un bus avec la devise de la ville en français © Globe Reporters
Dans les bus, il faut tirer sur un câble jaune pour annoncer que l’on veut descendre à la prochaine station © Globe Reporters
Dans les bus, il faut tirer sur un câble jaune pour annoncer que l’on veut descendre à la prochaine station © Globe Reporters
Barbecue pendant une second line. Tous les dimanches, il y a de « second lines », où les musiciens de « brass band », des fanfares de jazz, sortent dans la rue, suivis par une foule venue pour danser. Chaque dimanche, cela change de quartier. Ici dans le Lower Ninth Ward © Globe Reporters
Barbecue pendant une second line. Tous les dimanches, il y a de « second lines », où les musiciens de « brass band », des fanfares de jazz, sortent dans la rue, suivis par une foule venue pour danser. Chaque dimanche, cela change de quartier. Ici dans le Lower Ninth Ward © Globe Reporters
Le quartier de Lower Ninth Ward a été très durement touché par l’ouragan Katrina en 2005. Vingt ans plus tard, les cicatrices sont encore là © Globe Reporters
Le quartier de Lower Ninth Ward a été très durement touché par l’ouragan Katrina en 2005. Vingt ans plus tard, les cicatrices sont encore là © Globe Reporters
Maisons créoles typiques de La Nouvelle-Orléans, dans le quartier afro-américain de Tremé © Globe Reporters
Maisons créoles typiques de La Nouvelle-Orléans, dans le quartier afro-américain de Tremé © Globe Reporters
Une autre maison typique dans une rue du quartier de Marigny où des habitants se dirigent vers une parade de Mardi gras © Globe Reporters
Une autre maison typique dans une rue du quartier de Marigny où des habitants se dirigent vers une parade de Mardi gras © Globe Reporters
Départ pour la Louisiane : micro et enregistreur, ainsi que de la lecture en lien avec la Louisiane © Globe Reporters
La rue Magazine, rue commerçante dans Uptown © Globe Reporters
Un bus avec la devise de la ville en français © Globe Reporters
Dans les bus, il faut tirer sur un câble jaune pour annoncer que l’on veut descendre à la prochaine station © Globe Reporters
Barbecue pendant une second line. Tous les dimanches, il y a de « second lines », où les musiciens de « brass band », des fanfares de jazz, sortent dans la rue, suivis par une foule venue pour danser. Chaque dimanche, cela change de quartier. Ici dans le Lower Ninth Ward © Globe Reporters
Le quartier de Lower Ninth Ward a été très durement touché par l’ouragan Katrina en 2005. Vingt ans plus tard, les cicatrices sont encore là © Globe Reporters
Maisons créoles typiques de La Nouvelle-Orléans, dans le quartier afro-américain de Tremé © Globe Reporters
Une autre maison typique dans une rue du quartier de Marigny où des habitants se dirigent vers une parade de Mardi gras © Globe Reporters

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