Alexandru BRADEA est directeur du Centre d’information touristique de Sighisoara. Il répond aux questions de Luc, Judith, Gabriel et Clara, globe-reporters de la 5e Autissier au collège Henry Dunant d’Aumale
Economie, histoire et politique
La mission semble au départ assez simple : interviewer les patrons du restaurant Casa Vlad Dracul, à Sighisoara, la maison natale de Vlad Tepes, qui a inspiré le personnage de Dracula. Mais ça ne se passe pas comme ça ! Elle appelle une première fois et les patrons l’informent que le restaurant est fermé, qu’ils sont en pleins travaux et qu’ils ne rouvriront qu’en mars. De plus, c’est la seule interview qu’elle a à faire à Sighisoara. Ce serait donc beaucoup de déplacement, juste pour un restaurant fermé. Elodie et les patrons se mettent donc d’accord pour faire l’interview par mail. Mais les réponses tardent à arriver et plus personne ne répond au téléphone.
Entre-temps, l’envoyée spéciale essaye donc de trouver des alternatives : elle contacte le centre d’information touristique de Sighisoara. Son directeur Alexandru Bradea, excellent francophone et très sympathique, l’oriente vers le directeur du musée de la ville, Nicolae Tescula. Celui-ci répond à ses questions par mail.
Mais rien ne vaut un échange direct, pour décrocher de bonnes réponses. Elodie complète donc avec une interview par téléphone d’Alexandru Bradea. Et finit par avoir quelques éléments, par mail, de la part d’Anca Avram, la gestionnaire du restaurant.
- Combien d’années le comte Vlad a-t-il vécu dans cette maison ?
Alexandru Bradea : Vlad Dracul, le père de Vlad Tepes, a vécu 5 ans dans cette maison, de 1431 à 1435. On dit que c’est dans cette maison que Vlad Tepes serait né, en 1431. Vlad Dracul était un prince, il est venu à Sighisoara en attendant de monter sur le trône.
- Pourquoi la maison de naissance du comte Vlad a-t-elle été transformée en restaurant ?
Alexandru Bradea : La maison a changé plusieurs fois de propriétaire depuis Vlad Tepes. En 1676, la maison, qui appartenait alors au maire de Sighisoara, a brûlé dans le grand incendie qui a touché la cité. Les descendants du maire l’ont reconstruite au XVIIIe siècle. Puis elle a été rachetée par une personnalité de la vie culturelle locale au XIXe siècle et, en 1920, elle a été vendue à la Banque populaire. Dans les années 1930, elle est entrée en possession de l’Eglise évangélique. Après la Seconde guerre mondiale, elle a été transformée en maison de retraite. Elle est devenue un restaurant en 1977, à cause des communistes. Ce n’est pas normal, pour une maison qui est historique, d’être transformée en restaurant ! Les communistes n’aimaient pas l’histoire, ils voulaient l’effacer.
- Est-ce que beaucoup de gens viennent y manger pour son histoire ? Est-ce qu’il y a des plats spéciaux « Dracula » ?
Anca Avram : Oui. Nous proposons la soupe Dracula (un velouté de tomates avec des croûtons), le steak Dracula (brochettes avec trois sortes de viandes, gratinées au fromage cascaval, servies avec des légumes grillés et des frites) et le dîner Dracula (trois sortes de viande, saucisses maison, mici grillés, servis avec des pommes de terres paysannes au bacon et des légumes saumurés).
- Que peut-on découvrir sur l’histoire du comte dans la maison ?
Alexandru Bradea : Il y a une petite pièce, dans cette maison, qui est la chambre où il serait né. On peut la visiter.
Anca Avram : nous avons des fresques qui datent du XVe siècle.
Nicolae Tescula : il y a notamment une fresque qui représente Vlad Dracul, le père de Vlad Tepes.
- Avez-vous des anecdotes sur l’enfance du comte dans cette maison ou dans la ville ?
Alexandru Bradea : Non. Vlad Dracul n’est pas resté beaucoup de temps à Sighisoara, ce n’était pas un centre de pouvoir à l’époque. Mais il aimait bien la ville, il est passé plusieurs fois par ici. C’était une ville assez riche, avec beaucoup d’artisans. Pour Vlad Tepes, on sait qu’il était très dur avec les voleurs et les criminels, les gens avaient peur de lui.
- Etes-vous fier que votre ville soit associée au comte de Dracula ?
Nicolae Tescula : Non
Alexandru Bradea : Oui, c’est une bonne chose, car cela attire beaucoup de touristes. Cela fait connaître Sighisoara et ça amène les touristes à s’intéresser à son histoire. Dracula est important pour nous, car c’est grâce à ça que la ville se développe un peu. Après la chute du communisme, l’industrie s’est cassée la figure et le tourisme a pris un peu le relais.
- D’où viennent la majorité des touristes ?
Alexandru Bradea : En 2018, il y a eu à Sighisoara environ 200.000 touristes. La majorité viennent d’Europe : d’Espagne, d’Italie, de France (environ 20.000), d’Allemagne, d’Angleterre... Mais aussi de Chine, du Japon, des Etats-Unis, d’Israël...
Il y a beaucoup d’Espagnols, sans doute parce que beaucoup de Roumains sont partis travailler en Espagne. Ils ont dû se faire des amis là-bas, qui viennent maintenant visiter la Roumanie. C’est la seule explication que je vois ! Avant, il n’y en avait pas autant, il y avait surtout des Allemands. Beaucoup de Français aussi, mais vous vous êtes fait dépasser ! Alors, on vous attend les Français, il faut récupérer votre place !
- Est-il prévu de développer davantage le tourisme autour de ce thème ? Si oui, quels sont les projets ?
Alexandru Bradea : Pour le moment, il n’y a pas de projets pour développer le tourisme autour de ce thème, on n’a pas beaucoup d’argent pour développer des projets. Il y a eu un projet de parc d’attraction, qui devait s’appeler « Dracula park », à quelques kilomètres de Sighisoara. Mais le gouvernement a finalement tout abandonné, il y a une quinzaine d’années. C’est tombé à l’eau.
Ce qui se développe beaucoup à Sighisoara, ce sont les hôtels et les pensions touristiques. Leur nombre a été multiplié par 5 en 10 ans. Beaucoup de vieilles maisons de la citadelle sont maintenant des pensions. Beaucoup de nouveaux hôtels ont été construits.
- Quelles sont les autres atouts de la ville de Sighisoara ?
Alexandru Bradea : Le principal atout, c’est la citadelle et les tours de défense, qui sont très anciennes et qui ressemblent à celles qu’on voit dans les films sur Dracula. Il y a la grande tour de l’horloge, qui abrite le musée d’histoire. Il y a aussi deux belles églises : une sur la colline, une près de la tour de l’horloge. Je peux aussi citer la maison vénétienne, qui ressemble aux maisons de Venise, l’escalier couvert en bois et ses 175 marches... Il date du XVIIe siècle !
Autour de Sighisoara, il y a aussi beaucoup de belles choses à voir : les villages avec des églises fortifiées, comme Biertan ou Viscri, où vient souvent le prince Charles d’Angleterre. On a aussi un lac héliotherme, le lac Ursu. Il est situé sur une mine de sel. En été, quand le soleil chauffe, il se passe un phénomène qui fait que plus tu descends profondément dans le lac, plus l’eau est chaude.
Sources photographiques
La Casa Vlad Dracul, à Sighisoara.
A l’intérieur du restaurant Casa Vlad Dracul.
Quelques plats au menu de Casa Vlad Dracul : la soupe Dracula, le steak Dracula (en bas à droite) et le dîner Dracula (en bas à gauche).
La fresque du XVe siècle représentant Vlad Dracul, le père de Vlad Tepes. Ce serait le seul portrait de lui.
Sighisoara est connue pour sa citadelle et ses tours de défense, ici la tour Cojocari.
La tour Cizmar.
La tour Croitor.
La tour Fierar.
La mairie de Sighisoara.
L’église du monastère, dans l’enceinte de la citadelle.
Extrait de la brochure en français sur Sighisoara.
Buste de Vlad Tepes, à Bucarest.