La forêt amazonienne et la rencontre avec les Amérindiens du fleuve Maroni se méritent. Il faut compter 6h00 de route pour s’y rendre en voiture depuis Cayenne. Il est aussi possible de prendre un petit avion de 20 places, choix que fait Anne PASTOR, notre envoyée spéciale, pour gagner une journée de reportage.
CARNET DE ROUTE
Objectif : aller à la rencontre des 3 000 autochtones Wayana, Teko ou Wayanpi de l’intérieur qui étaient autrefois des peuples nomades. Ils se sont sédentarisés à partir de 1969, lorsqu’ils sont devenus citoyens de la République française et vivent aujourd’hui sous la protection du Parc amazonien.
Avant de monter à bord de l’avion pour Maripasoula, certaines règles sont à respecter. Le poids des bagages est limité à 10 kilos, sinon il faut payer un supplément de 3 euros par kilo. Chaque passager est également pesé. Ces formalités terminées et le décollage effectué, le vol au-dessus de la forêt réveille notre l’imaginaire transmis par le cinéma ou la littérature, comme les belles images du livre « Parana » de la photographe Dominique DARBOIS, paru en 1953 aux éditions Fernand NATHAN, dans la collection Enfants du monde. Pour la petite histoire, c’est le père d’Ayma OPOYA que je prévois de rencontrer qui est le petit garçon du livre.
Avez-vous entendu parler de la série télévisée Guyane ? Cette série aborde le drame de l’exploitation de l’or sur le fleuve Maroni. L’acteur principal y a découvert un monde tellement fascinant lors du tournage, que depuis il y retourne pour son propre plaisir. Et c’est vrai que la magie opère en survolant des nuages ce majestueux et épais tapis végétal.
Je distingue déjà quelques carbets (maisons traditionnelles). Puis, c’est l’arrivée à Maripasoula. Cette ville française qui fait face au Surinam est incroyable. Elle a des allures de Far West où déambulent des orpailleurs clandestins, machette à la main, qui font la navette entre le Surinam et la France. On y croise aussi des piroguiers « m’as-tu-vu » avec Rolex et bagues en or, des représentants de l’État français en tenue à la poste ou à la mairie et, bien sûr, des Amérindiens Wayanas qui viennent se ravitailler ou régler un problème administratif. Les Wayanas ont leur propre embarcadère : le club Kayak. C’est ici qu’on vient chercher un transport pour « monter dans le sud » : une expression qui signifie qu’on veut se rendre dans les villages autochtones au sud de Maripasoula.
C’est devant le club Kayak que je retrouve les anthropologues du projet Sawa, le premier projet mis en place à la demande des autochtones pour réaliser une restitution virtuelle de leur culture à travers un portail numérique en langue wayana. Depuis les années 1950, beaucoup d’anthropologues sont passés dans la région, beaucoup de collectionneurs aussi et de nombreux objets rituels comme ceux pour le rituel Maraké, ont été donné ou vendu à des collectionneurs.
Le travail des anthropologues est précieux. Prenons l’exemple des chants traditionnels que beaucoup de villageois ne connaissent plus. Heureusement qu’ils ont été enregistrés par les anthropologues du laboratoire d’anthropologie sonore de l’université de Paris 10 et qu’il est à nouveau possible de les apprendre. Depuis quelques années, une équipe de Wayanas s’est lancée à la redécouverte de ces trésors culturels. Ils sont aidés par les chercheurs que je rencontre devant les pirogues.
À terme, le projet Sawa prévoit un portail numérique. Un projet passionnant que les chercheurs viennent cette fois présenter à la population. Mais notre discussion est interrompue, car c’est l’heure d’embarquer. Il est 13h00. Ainama, notre piroguier, nous invite à monter à bord. Mais avant de suivre le fleuve Maroni, il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas de magasin dans les villages. Direction donc vers le Surinam pour effectuer les derniers achats dans des magasins tenus par des Chinois. Ces derniers, qui ne parlent que leur langue, proposent des tarifs 30% moins chers que sur la rive française.
Nous voici enfin partis. Il était temps après 4 heures d’attente. D’autant que nous avons au moins 3 heures de pirogue pour parvenir à destination.
Avec à droite et à gauche, de la forêt, encore de la forêt, toujours de la forêt, on peut se prendre au choix pour Jane, une amazone ou une aventurière. Lors de la navigation, on croise des orpailleurs clandestins au regard noir à bord d’embarcations surchargées d’étranges bidons. On entend le chant des oiseaux, les cris des singes hurleurs. On est ballotté par les rapides, etc.
Enfin, Taluen apparaît. Bienvenue dans un village amérindien. Du fleuve, on distingue d’abord le village traditionnel, mais aussi le logo de la poste, une cabine téléphonique et un drapeau français. Descendu de la pirogue, ce n’est pas l’affluence des rues de Paris. Il règne une atmosphère de temps suspendu. Il fait chaud, très chaud. Le village est endormi. Il se réveille en fin de journée lorsque chacun reprend ses activités domestiques, ses jeux, ses travaux d’artisanat ou d’agriculteur aux champs.
Je m’installe dans le carbet d’Ayma OPOYA, le petit fils du créateur du village et aujourd’hui le capitaine de Taluen. Ayma doit partir avec sa femme pour deux jours dans un autre village présenter le projet Sawa, mais il me dit : « Bienvenue ! Fait comme chez toi. Il y a mes fils qui peuvent t’aider ». C’est l’accueil Wayana !
David et moise, les fils, sont en train de dessiner un ciel de case (un rond de fromager sur lequel on dessine la mythologie wayana). Leur père, Ayma, est un artiste réputé et il leur a transmis son savoir.
Il est 18h00. Le soleil se couche. Le repas nous attend ainsi qu’une nuit de repos qui est la bienvenue après 48 heures de voyage. Paris est déjà si loin.
Mais pas de grasse matinée au programme. Demain, dès 6h00, je me lance à la recherche d’interlocuteurs à qui soumettre vos questionnaires.
Vous avez sans doute compris que dans cette région de France, Internet et la technologie que nous connaissons en métropole n’ont pas encore débarqué. Mais, c’est promis je vous donnerai des nouvelles dans quelques jours, dès que cela sera possible.
Votre envoyée spéciale en Guyane, Anne PASTOR
Un carnet de route réalisé en janvier 2020
Sources photographiques
Billet Cayenne - Maripasoula.
Le décollage depuis Cayenne. Direction Maripasoula.
Avant de monter à bord de l’avion pour Maripasoula, certaines règles sont à respecter. Le poids des bagages est limité à 10 kilos, sinon il faut payer un supplément de 3 euros par kilo. Chaque passager est également pesé.
Le fleuve Maroni.
Arrivée à Maripasoula. Les passagers débarquent.
Les Wayanas ont leur propre embarcadère : le club Kayak. C’est ici qu’on vient chercher un transport pour « monter dans le sud » : une expression qui signifie qu’on veut se rendre dans les villages amérindiens au sud de Maripasoula.
Mais avant de suivre le fleuve Maroni, direction le Surinam pour les derniers achats dans des magasins tenus par des Chinois. Ces derniers qui ne parlent que leur langue et proposent des tarifs 30% moins chers que sur la rive française.
Vue depuis la rive du Surinam.
Un site d’orpaillage clandestin.
Enfin Taluen apparaît. Bienvenue au village amérindien. Du fleuve, on distingue d’abord le village traditionnel, mais aussi le logo de la poste, une cabine téléphonique et un drapeau français.
David et moise, les fils d’Ayma OPOYAO.
La baignade, le loisir principal des jeunes de Taluen.
Un carbet communautaire.
Le fleuve Maroni vu depuis le hamac où se repose notre envoyée spéciale.
Le père d’Ayma photographié par Dominique DARBOIS
Le grand-père et le père d’Ayma dans le livre « Parana ».