Le confinement se prolonge, et l’aventure avec … !
Publié le 15 avril 2020
Taieb KHOUNI, l’envoyé spécial des globe-reporters Tunisie, raconte ses premières semaines en télétravail et confinement à Paris.
CARNET DE ROUTE
Chers globe-reporters,
Cela fait maintenant quatre semaines que je suis à Paris. J’ai quitté Bruxelles quelques heures avant le début du confinement général, pour venir m’installer dans un appartement au 20e arrondissement de Paris. Le trajet s’est passé sans encombre et le trafic était manifestement très réduit du fait du confinement déjà appliqué en France.
Arrivé à la Gare du Nord, je devais prendre le métro pour me rendre à l’adresse dans le vingtième. Le problème était que les machines à tickets n’acceptaient plus de cash, une mesure de sécurité face à l’épidémie de Coronavirus. N’ayant pas de carte de crédit sur moi, j’ai dû faire appel à un responsable pour qu’on m’autorise à prendre le métro.
Comme je disais, c’est le voyage-reportage le plus singulier qu’il m’ait été donné de faire, une aventure dans tout ce que ce terme porte comme significations.
Cela ne veut pas forcément dire que c’est négatif, bien au contraire. L’incertitude provoque à la fois frustration et excitation. Je continue à assurer mon travail, j’envoie des dizaines de demandes d’interview, je laisse des messages sur les boites vocales, m’attendant à ce que les gens, confinés, aient plus de temps à accorder à un journaliste.
Mais les choses ne s’avèrent pas aussi simples. J’ai souvent du mal à décrocher un entretien d’une vingtaine de minutes, et cela se comprend finalement.
Si mes interlocuteurs ne travaillent pas de chez eux, ils gardent très souvent leurs enfants. La réorganisation n’est pas facile. Beaucoup de Français voient leurs calendriers chamboulés. Ils doivent désormais accomplir un travail jusqu’alors assuré par les garderies et les écoles. Ainsi, beaucoup essayent tant bien que mal d’assurer la continuité des cours de leurs enfants, n’ayant aucune idée sur la tournure des événements et craignant que ces « vacances obligatoires » ne viennent ruiner l’année scolaire. Ajouté à tout cela, l’atmosphère lourde et la situation anxiogène engendrée par cette épidémie.
De mon côté, à l’heure où je vous écris, ce 14 avril 2020, je me suis assez bien habitué au confinement, dans un pays étranger et qui plus et loin des miens. Je commence à avoir mes petites habitudes, à m’acclimater à cette situation inédite, craignant toutefois de devoir passer le mois de Ramadan seul ici, surtout après la décision du gouvernement de prolonger le confinement général « le plus strict » jusqu’au 11 mai 2020.
La routine s’est rapidement installée. Le matin, après avoir consulté et répondu à mes mails, je sors généralement faire des courses et j’en profite pour prendre quelques photos pour mes carnets de route. Les règles sont strictes, aucun motif de sortie autre que ceux mentionnés par le gouvernement n’est autorisé. Un rayon d’un kilomètre doit aussi être respecté, faute de quoi, on risque une amende. D’ailleurs, j’ai failli être verbalisé pour m’être éloigné de 2 kilomètres de chez moi.
Avec les voisins, nous nous donnons rendez-vous aux balcons chaque jour à 20 heures, pour applaudir le personnel soignant qui, partout dans le monde, ne compte plus ses heures, se sacrifiant parfois pour que nous autres vivions. Chaque jour, à travers leurs acclamations, j’arrivais à ressentir la reconnaissance des Français envers leurs « blouses blanches ». Le rythme s’accélérait de jour en jour, on avait l’impression que tout le monde attendait ce moment de la journée pour crier haut et fort sa gratitude.
Ce confinement, aussi contraignant soit-il, fait ressortir de belles choses chez les gens. Je remarque cet élan de solidarité et d’entraide entre voisins, alors que je ne suis ici que depuis quelques jours. Des messages ont ainsi été collés un peu partout dans les ascenseurs et sur les murs de la résidence. Chacun essaie d’aider du mieux qu’il peut, certains offrent leurs services de baby-sitting ou de cours gratuits, tandis que d’autres proposent de faire les courses pour les plus âgés.
Au début, c’étaient des applaudissements et des « bravos » spontanés depuis les balcons, mais au bout de quelques jours, ce rituel s’est transformé en une vraie chorégraphie. Les balcons vibraient dans une ambiance digne d’un stade de football.
Confinés, les gens laissent ressortir leur créativité. Ils écrivent des chansons, font des répétitions sur des groupes Whatsapp et chantent ensemble pendant ce qui semble être devenu le meilleur moment de la journée, le rendez-vous des balcons à 20h.
Je suis encore à Paris pour au moins un mois, jusqu’à la levée progressive du confinement. J’espère que d’ici là la situation s’améliorera, aussi bien en France qu’en Tunisie, car comme dans tous les pays, il y a les « confinés dociles », et les rebelles qui malheureusement se croient toujours plus forts. Je vous retrouverai donc bientôt pour vous raconter la suite, et pour finir mes chers globe-reporters, j’aimerais citer ici une amie journaliste tunisienne vivant à Paris, qui pour elle, le confinement fait plus de bien que de mal. Cela vous donnera aussi une idée sur comment la perception diffère d’un individu à un autre.
"Même si l’auto-confinement a commencé bien plus tôt, tant la rue parisienne devenait autrement plus angoissante et déprimante que le foyer, les premières heures du confinement obligatoire me replongent dans le souvenir de mon échappée indienne : Reprendre sa taille de graine de poussière, lâcher prise, manger simple, s’habiller simple, se concentrer sur l’essentiel, retrouver les fondamentaux de l’existence... Si seulement l’histoire du Coronavirus pouvait s’arrêter en si bon chemin... On pourrait parler d’un virus de sagesse et même de justice..." H.B.
Prenez soin de vous !
Chaleureusement,
TAIEB
Sources photographiques
Seul dans la gare Albert à Bruxelles, j’attends le train pour aller à la célèbre Gare du Midi.
Sur le quai de la gare du Midi, en attente de mon train vers Paris.
Dans le TGV, en route vers Paris. La voiture est quasiment vide.
A la sortie de la gare Jaurès à Paris, on y voit quelques piétons et peu de véhicules.
Toutes mes premières courses, je sais, ce n’est pas très sain comme nourriture.
Le trafic est à son minimum en ces temps de confinement.
Un des nombreux panneaux de sensibilisation aux gestes barrières, mis en place par la Ville de Paris.
Les habitants s’occupent comme ils peuvent, certains parents jouent avec les enfants dans le jardin de la résidence.
Ils gardent tout de même la distance de sécurité d’un mètre avec leurs voisins.
Un carton plein de bouquins, mis à disposition des habitants, une façon de les aider à surmonter l’ennui du confinement.
Les paroles de la chansonnette « Sur les Balcons » chantée chaque jour à 20h tapante.
Les clients font la queue devant Monoprix, en respectant la distance de sécurité d’un mètre.
Marie et Sacha proposent aux personnes les plus fragiles de leur faire les courses, elles ont collé cette note dans l’ascenseur.
Les gens font la queue un peu partout devant les services de première nécessité, comme La Poste par exemple dans cette photo.
Mme Bégaudeau propose des cours à distance en Mathématiques, Histoire et Français.
Ces voisins proposent également des cours de Français et de Mathématiques.
Certains profitent du beau temps pour faire des petites parties de Volley-ball.
Camille et Clément proposent de leur coté des boites de Doliprane, un antalgique. Crédit photo Taieb Khouni
Encore une rue déserte en plein jour à Paris, non loin de là ou je réside.
Les églises demeurent ouvertes, les messes dominicales sont en revanche suspendues jusqu’à nouvel ordre.