Premières heures à Beyrouth

Publié le 7 janvier 2021

L’année 2021 est à peine commencée que Sidonie HADOUX est arrivée à Beyrouth. Elle y débarque dans la nuit du 3 janvier. Notre envoyée spéciale au Liban nous raconte ses premiers pas dans la capitale libanaise.

Carnet de route

Dimanche 3 janvier 2021, je quitte mon domicile lillois avec une grosse valise, un sac à dos rempli de mon matériel de reportages : appareils photo, enregistreurs, micros, cartes SD, chargeurs et mon ordinateur. J’attendais ce moment depuis plusieurs semaines. En rassemblant mes dernières affaires et en vérifiant de ne rien avoir oublié, je sens l’excitation monter.

La situation sanitaire mondiale m’a fait douter à plusieurs reprises. Mais voilà, je vous écris de la terrasse d’un petit café appelé Molo, rue de l’hôpital militaire, dans le quartier de Badaro. J’y suis. Beyrouth, me voilà.

Retour sur un voyage agréable et rapide.
À 13h00 : départ de la gare de Lille.
À 14h00 : arrivée à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle à Paris. J’ai soigneusement préparé les papiers nécessaires au voyage : ma carte d’embarquement, mon passeport et les résultats imprimés d’un test de dépistage COVID. C’est obligatoire désormais pour voyager en avion. Je dépose ma valise au comptoir. Je la vois partir sur le tapis roulant vers le service des soutes à bagages. Je garde avec moi mon sac à dos contenant mon matériel de travail. Je passe les différents points de contrôle de l’aéroport. Le douanier, sympathique, me souhaite « Bonnes vacances ».

Pour une fois, je suis en avance. Je n’ai pas besoin de courir. Je n’angoisse pas à l’idée de rater l’avion. Je réalise que c’est agréable et décide d’inscrire l’organisation dans mes bonnes résolutions de 2021.

Durant une heure et demie, j’attends, assise, à la porte d’embarquement. L’aéroport est relativement bondé, malgré la situation sanitaire. Nous portons tou·te·s un masque évidemment. Mais cela ne surprend plus personne. Nous sommes le dernier jour des vacances scolaires, et j’imagine ce à quoi peut ressembler le quotidien des voyageurs autour de moi. Ils et elles sont probablement rentrées pour les fêtes, pour passer du temps en famille ou visiter des ami·e·s. Il est temps désormais de revenir au quotidien. D’où viennent ces personnes ? Où vont-elles ? Les haut-parleurs de l’aéroport annoncent les départs : Casablanca, Bogota, Istanbul, New-York, etc. Et finalement Beyrouth. Décollage imminent.

Quatre heures plus tard, les roues de l’avion touchent le tarmac de l’aéroport Rafic Hariri de Beyrouth : il est 22h30, et le commandant de bord annonce la température extérieur : 17 degrés Celsius. Je tique : DIX-SEPT DEGRÉS ?! En décembre à Beyrouth ? J’aurai confirmation plus tard par mes colocataires que : « Non, ce n’est pas normal, il devrait faire plus froid et humide. C’est la première fois que nous voyons ça ». C’est bien ce que je pense.

Je sors de l’avion, je passe la douane et récupère ma valise. Ça y est, j’y suis. Plus rien ne m’empêche de sortir de l’aéroport. Je sors et prends un taxi. Le conducteur est un vieux monsieur. Son anglais est hésitant. Il m’explique que la situation est difficile et que le gouvernement va annoncer un nouveau confinement. Je suis interloquée. Cela va compliquer mon travail : vais-je avoir le droit de me déplacer ? Est-ce que nos interlocuteur·ice·s accepteront de me rencontrer ? Est-ce que tout va fermer ?

Le taxi me conduit jusqu’à l’appartement où je vais habiter pendant un mois. Il se situe dans le quartier de Ain el Remmaneh. C’est un quartier que je connais, j’y ai déjà habité en 2018. L’appartement se situe proche de la rue de Badaro, une rue vivante, connue pour ses cafés, bars et restaurants. J’aime travailler à la terrasse des cafés quand je suis à l’étranger. Cela me donne l’impression de faire vraiment partie de la ville. J’observe les gens aller et venir, les scènes quotidiennes de la rue.

Badaro n’a pas été touché par l’explosion du port de Beyrouth du mois d’août 2020. Quelques vitres ont été cassées, mais le quartier n’est pas dévasté comme d’autres plus proches du lieu du drame. Je reprends mes marques. Et c’est à l’une de ces terrasses que j’envoie mes premiers mails. Notre aventure journalistique peut commencer.

Mardi 5 janvier, le verdict tombe : le gouvernement libanais annonce un confinement total jusqu’au 1er février. C’est pile le jour prévu de mon départ.

Le confinement commence jeudi 7 janvier, juste après le Noël arménien. Tout sera fermé, excepté les ministères, les usines, les médias, les services de santé, l’armée, les banques, les marchés et supermarchés. Un couvre-feu est instauré de 18h00 à 5h00 du matin. Les voitures peuvent circuler un jour sur deux en fonction du nombre pair ou impair de leur plaque d’immatriculation. Et le dimanche, personne ne peut circuler.

En tant que journaliste, je peux donc continuer de travailler. J’ai une lettre de mission qui me permet – normalement – de réaliser les reportages. J’aurai seulement plus de difficultés à me déplacer, et à trouver des interlocuteur·ice·s qui peuvent me recevoir.

Tout reste encore un peu flou à l’heure où je vous parle. Je devrai m’adapter à ces contraintes. Et je vivrai aussi un nouveau confinement, aux côtés des Libanais·e·s.

Le pays est dans une situation très compliquée. Et je note la résilience dont font preuve les quelques personnes que je côtoie. Un ami me raconte que ses comptes bancaires sont bloqués. Il y a des files d’attente assez longues au guichet des banques. La livre libanaise ne cesse de se déprécier face au dollar américain. Les cafés ferment. Les hôpitaux peinent à accueillir les malades.

Les conséquences de l’explosion semblent presque secondaires par rapport aux effets de la crise économique, financière, politique et sanitaire. « It’s a full package » (« c’est la totale »), plaisante cyniquement Rabih ZEINEDDINE, fondateur de Recycle Beirut. Je viens de le rencontrer. Il est notre premier interlocuteur. Notre première interview.

« Tous les jours, on se demande ce qu’il va se passer, et si l’on va rentrer chez nous, partage-t-il. Mais on rebondit toujours ».

Après l’interview, je regagne Badaro, pour m’asseoir une dernière fois à la terrasse du Molo. Demain, mon bureau sera la maison. Les bars, cafés, restaurants seront de nouveau fermés. Et je ne pourrai plus observer les scènes de la rue. Je n’entendrai plus les autres clients bavarder en arabe, l’air léger.

Je déjeune avec Naïm, mon hôte. Nous rions tout en savourant une manouche au pesto, une sorte de pizza libanaise. Je termine d’écrire ces quelques lignes et me prépare à marcher un peu dans le quartier. Juste histoire de reprendre mes marques, de sentir la ville, Beyrouth, aussi bruyante qu’asphyxiante. Je chemine à la recherche de repères familiers : klaxons incessants des taxis, embouteillages, et check-points de l’armée.

Je me demande ce qu’il adviendra de ce chaos pendant le confinement. Peut-être que, pour la première fois ici, j’entendrai chanter les oiseaux ?

Voilà pour le moment. Ne reste plus qu’à envoyer ce texte et les photos à notre secrétaire de rédaction, Manon, et à vous dire à bientôt !

Sidonie

Carnet écrit le 6 janvier 2021

Sources photographiques

A l’arrivée de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, je vérifie si mon vol est bien programmé © Globe Reporters

A l’arrivée de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, je vérifie si mon vol est bien programmé © Globe Reporters

En raison de la situation sanitaire, les passagers doivent se munir d’un test de dépistage du COVID, négatif © Globe Reporters
En raison de la situation sanitaire, les passagers doivent se munir d’un test de dépistage du COVID, négatif © Globe Reporters
Il est presque 22h00, heure française, quand les passagers pour Beyrouth commencent à embarquer © Globe Reporters
Il est presque 22h00, heure française, quand les passagers pour Beyrouth commencent à embarquer © Globe Reporters
Vers Minuit, je découvre l’appartement où je vais séjourner pendant tout le mois. Il s’agit d’une colocation avec deux Libanais, Firas et Naim, et d’une étudiante espagnole, Célia. Firas est ingénieur son, et Naïm, artiste et programmateur informatique © Globe Reporters
Vers Minuit, je découvre l’appartement où je vais séjourner pendant tout le mois. Il s’agit d’une colocation avec deux Libanais, Firas et Naim, et d’une étudiante espagnole, Célia. Firas est ingénieur son, et Naïm, artiste et programmateur informatique © Globe Reporters
Le lendemain, au boulot ! Il faut commencer par contacter les personnes que l’on désire interroger © Globe Reporters
Le lendemain, au boulot ! Il faut commencer par contacter les personnes que l’on désire interroger © Globe Reporters
Je profite du début de séjour pour marcher un peu dans le quartier où j’habite afin de reprendre mes marques. Je n’ai pas mis les pieds à Beyrouth depuis avril 2018, mais la ville me réapparait comme dans ses souvenirs © Globe Reporters
Je profite du début de séjour pour marcher un peu dans le quartier où j’habite afin de reprendre mes marques. Je n’ai pas mis les pieds à Beyrouth depuis avril 2018, mais la ville me réapparait comme dans ses souvenirs © Globe Reporters
Je remarque qu’il y a beaucoup d’écoles dans les alentours. Cela peut-être une piste pour les reportages © Globe Reporters
Je remarque qu’il y a beaucoup d’écoles dans les alentours. Cela peut-être une piste pour les reportages © Globe Reporters
Mercredi, c’est le jour du premier rendez-vous pour une interview. Départ à 10h45 pour les locaux de Recycle Beirut pour poser les questions préparées par les globe-reporters © Globe Reporters
Mercredi, c’est le jour du premier rendez-vous pour une interview. Départ à 10h45 pour les locaux de Recycle Beirut pour poser les questions préparées par les globe-reporters © Globe Reporters
J’interroge Rabih ZEINEDDINE, un des fondateurs de l’entreprise de recyclage © Globe Reporters
J’interroge Rabih ZEINEDDINE, un des fondateurs de l’entreprise de recyclage © Globe Reporters
Jeudi 7 janvier, le confinement total du pays débutera jusqu’au 1er février. C’est une donnée qui va obliger l’équipe de Globe Reporters à s’adapter ! © Globe Reporters
Jeudi 7 janvier, le confinement total du pays débutera jusqu’au 1er février. C’est une donnée qui va obliger l’équipe de Globe Reporters à s’adapter ! © Globe Reporters
A l’arrivée de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, je vérifie si mon vol est bien programmé © Globe Reporters

En raison de la situation sanitaire, les passagers doivent se munir d’un test de dépistage du COVID, négatif © Globe Reporters
Il est presque 22h00, heure française, quand les passagers pour Beyrouth commencent à embarquer © Globe Reporters
Vers Minuit, je découvre l’appartement où je vais séjourner pendant tout le mois. Il s’agit d’une colocation avec deux Libanais, Firas et Naim, et d’une étudiante espagnole, Célia. Firas est ingénieur son, et Naïm, artiste et programmateur informatique © Globe Reporters
Le lendemain, au boulot ! Il faut commencer par contacter les personnes que l’on désire interroger © Globe Reporters
Je profite du début de séjour pour marcher un peu dans le quartier où j’habite afin de reprendre mes marques. Je n’ai pas mis les pieds à Beyrouth depuis avril 2018, mais la ville me réapparait comme dans ses souvenirs © Globe Reporters
Je remarque qu’il y a beaucoup d’écoles dans les alentours. Cela peut-être une piste pour les reportages © Globe Reporters
Mercredi, c’est le jour du premier rendez-vous pour une interview. Départ à 10h45 pour les locaux de Recycle Beirut pour poser les questions préparées par les globe-reporters © Globe Reporters
J’interroge Rabih ZEINEDDINE, un des fondateurs de l’entreprise de recyclage © Globe Reporters
Jeudi 7 janvier, le confinement total du pays débutera jusqu’au 1er février. C’est une donnée qui va obliger l’équipe de Globe Reporters à s’adapter ! © Globe Reporters

Sources sonores

  • Derniers sons d’ambiance de la terrasse du café Molo, avant confinement.

Sources vidéo

La vidéo instagram de l’arrivée à Beyrouth

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