Quand elle était enfant, la journaliste Sidonie HADOUX venait une à deux fois par an à Douai avec ses parents. Avenue Alsace-Lorraine, là où réside encore la famille de Nathalie et Jean-Marc FIEVET, des amis de ses parents. En déménageant à Oignies, Sidonie renoue avec le bassin minier de son enfance à travers les yeux et les souvenirs de Jean-Marc. Elle raconte.
Carnets de route
Premiers jours dans le bassin minier
Janvier 2019. Je m’installe à Oignies pour quatre mois de résidence « éducation aux médias et à l’information ». J’investis alors la dénommée « maison des artistes », ancienne maison du gardien de la fosse 9-9bis, rénovée pour accueillir les artistes en résidence.
La "maison des artistes" a été rénovée pour acceuillir les artistes en résidence
Nous sommes le 7 janvier 2018, et j’ai une semaine banalisée pour m’immerger dans le territoire. Vaste programme qu’une « semaine d’immersion ». Je décide de vagabonder au grès des cités minières que mon regard ne finit plus de contempler. Nous sommes à 20 minutes de Lille, et la singularité des logements ouvriers miniers me surprend. Rien à voir avec les petites maisons de courée de la métropole. Rien à voir avec les maisons de pêcheurs de ma côte d’opale natale. Ici, les compagnies minières ont rivalisé pour construire des cités-jardins remarquables, censées attirer la main d’œuvre. Rues sinueuses et arborées, faux-colombages, jardins fleuris, je ne cesse de me perdre avec plaisir au gré des rues à noms de fleurs et des toits pentus.
La cité Bruno à Dourges
Je sais bien qu’il faut regarder un lieu au présent, mais il faut l’avouer, beaucoup de choses sur ce territoire me ramène à son passé industriel et minier. De ma fenêtre de chambre, j’écris les premiers mots de ce texte, un œil sur la cité minière DE CLERCQ, un autre sur l’ancien carreau de fosse du 9-9 bis. Le passé nous saute à la gueule, et même si les maisons de la cité sont aujourd’hui tournées mais vers le Métaphone, la salle de spectacle des musiques « actuelles », impossible de faire abstraction à la mémoire des lieux.
Pour cela, j’avais besoin qu’on m’emmène, qu’on me raconte ce territoire à travers du vécu. Je saisis mon téléphone, j’appelle ma mère, qui me donne le numéro de Jean-Marc. J’appelle ensuite Jean-Marc, qui me donne rendez-vous la semaine suivante. « Je viens te chercher Sidonie, je répondrai à tes questions et puis nous irons voir ma mère. Elle est veuve de mineurs et vit encore dans sa maison cité Foche à Hénin-Beaumont, là où j’ai grandi ». Elle était là, ma première immersion.
Je n’avais pas vu Jean-Marc depuis une petite dizaine d’années. J’allais le retrouver ici à Oignies. Le journalisme est souvent affaire de rencontres, parfois de retrouvailles.
La maison de la maman de Jean-Marc dans la cité Foch à Hénin-Beaumont
Plongée dans les souvenirs d’un fils de mineur
Sa venue réveille en moi mes souvenirs douaisiens. Mais c’est à son tour maintenant de plonger dans sa mémoire. Il me raconte son enfance dans les bâtiments des bureaux de la fosse Henriette à Hénin-Liétard où son père travaillait comme concierge. Son père a travaillé quelques mois au fond, mais il n’a pas voulu y rester. Il a ensuite travaillé à la cokerie de Drocourt, puis, en raison d’une grave blessure qui failli lui coûter la vie, il finit concierge pour les bureaux des mines.
Jean-Marc me montre les bibelots sur la mine que sa mère garde précieusement
Jean-Marc a grandi entre cette maison, et celle de la cité Foch à Hénin-Beaumont où réside encore sa maman. Nous allons ensemble la rencontrer. Sur le chemin, j’ai le droit à une visite commentée du paysage.
Jean-Marc n’est pas venu les mains vides. Il a amassé des photos d’archives afin de me les montrer. Regardez et écoutez les diaporamas sonores ci-dessous, Jean-Marc partage avec nous ses souvenirs. A la fin de la journée, il me redépose à Oignies. Il aurait encore milles souvenirs à partager. Il essaie d’ailleurs de les compiler dans un livre, lui qui a travaillé toute sa vie comme cheminot à la SNCF. Je lui souhaite d’y parvenir : tout souvenir de vie est une brique pour un édifice bien plus grand, la mémoire collective.