Sunt Charlie

Publié le 19 janvier 2015

Les élèves de 6e à Roland Dorgelès à Paris se demandent comment l’attentat à Charlie Hebdo a été perçu en Roumanie. Marianne Rigaux, l’envoyée spéciale du projet, raconte ce qu’elle a vu et entendu.

Droits humains

Je suis partie de Paris le jour de la fusillade à Charlie Hebdo, le mercredi 7 janvier. J’ai appris la nouvelle dans l’aéroport, par Twitter et Facebook, trente minutes avant d’embarquer dans l’avion. On savait déjà qu’il y avait 10 morts. J’étais horrifiée.

J’ai allumé mon ordinateur et lancé le site web de la chaîne iTélé. J’ai écouté les premières informations, j’ai appelé des copains journalistes. Mon esprit était tellement pris par cet événement aussi incompréhensible que surréaliste, que je n’ai pas vu que les autres passagers montaient dans l’avion.

J’ai finalement réalisé qu’il n’y avait plus personne autour de moi sur les chaises et qu’on appelait mon nom au haut parleur. L’avion allait décoller. Je me suis présentée au comptoir avec ma carte d’embarquement et les larmes aux yeux.

Les hôtesses m’ont demandé ce qui se passait. C’est moi qui leur ai appris la nouvelle. Elles ont alerté le pilote de l’avion et diffusé un message à la compagnie. J’ai du attendre d’arriver à l’hôtel quatre heures plus tard pour en savoir plus. J’ai passé la soirée à écouter les informations.

Y a-t-il eu des manifestations de soutien, une marche comme en France ?

Il y a eu un premier rassemblement jeudi 8 janvier à 18 heures devant l’ambassade de France. J’ai été informée par des amis roumains via Facebook. Nous étions une quarantaine, il faisait -10 degrés. Un cahier avait été installé sur une table pour écrire des condoléances. Quelqu’un a distribué des pancartes "Je suis Charlie" à tout le monde.

Plusieurs chaînes de télévision roumaine étaient là pour en parler en direct. L’ambassadeur de France en Roumanie a remercié les personnes qui étaient venues. Il y avait principalement des Français et tout un groupe d’étudiants en échange universitaire.

Il y a eu un second rassemblement samedi 10 janvier à 14 heures, avec une centaine de personnes. Il faisait beau, l’ambiance était sympathique. D’autres rassemblements ont été organisés dans les grandes villes de Roumanie.

Est-ce que, dans les écoles, les professeurs en ont parlé avec leurs élèves ? Ont-ils fait la minute de silence ?

Au lycée français de Bucarest, les professeurs en ont parlé avec les collégiens et les lycéens. Les élèves, ainsi que la plupart des entreprises françaises installées en Roumanie, ont fait la minute de silence. La sécurité a été renforcée pendant plusieurs jours à l’ambassade de France et au lycée français.

Le nouveau Président roumain est-il venu à la marche en France ?

Klaus Iohannis a participé à la marche à Paris le 11 janvier. Avant cela, il a changé sa photo de profil sur Facebook en mettant l’image "Je suis Charlie". Il a reçu 16 312 like et 928 commentaires. Le 8 janvier, il a exprimé ses condoléances aux Français à la télévision roumaine.

Y a-t-il eu des hommages à Charlie Hebdo dans les journaux roumains ?

Comme partout, la fusillade a fait la Une de tous les journaux roumains le 8 janvier. Mais ils ont rapporté l’événement avec moins d’émotion que les journaux français, de manière plus factuelle. Les journaux ont insisté sur les détails sensationnels, sans tabou ni retenue. Ils traitent toujours l’actualité ainsi.

Assez vite, les médias roumains se sont focalisés sur la question "Fallait-il publier ce genre de caricatures ?". Certains disent ouvertement que Charlie Hebdo n’aurait pas du aller aussi loin. Quelques médias ont sollicité les journalistes français installés à Bucarest comme correspondants pour avoir leur point de vue. Aucun n’a publié les caricatures de Charlie Hebdo.

Y a-t-il un journal satirique comme Charlie Hebdo en Roumanie ?

Oui, il s’appelle Academia Cațavencu, c’est un hebdomadaire créé en 1990. Mais il ressemble plutôt au Canard Enchainé. Son ancien rédacteur chef Mircea Toma a donné une interview intéressante au Petitjournal.com.